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ministère avait étonné, car, à part MM. Gonzalès et Sancho, les autres ministres désignés par Espartero étaient des hommes sans signification politique ; mais ce nouveau pas en arrière passait tout ce qu’on avait pu attendre de la faiblesse et de l’irrésolution bien connues du généralissime.

Cependant la reine, toute désarmée qu’elle était en présence de l’armée et de la municipalité, avait repris d’elle-même, avec un courage qui contraste avec les timidités du duc de la Victoire, le libre exercice de son autorité. À la première nouvelle de l’attentat du 19 juillet, le général O’Donnell, commandant l’armée du centre, avait envoyé sa démission, pour protester contre la violence dont le chef de l’armée s’était rendu complice. La reine lui a renvoyé sa démission, en y joignant le grand cordon de Charles III. Elle a fait plus, elle a envoyé le cordon de son ordre à Mme Perez de Castro, femme du ministre que l’émeute avait déposé après avoir voulu l’assassiner, et elle a distribué également des récompenses à l’équipage de la frégate Cortes, qui avait reçu à son bord le comte de Cléonard, ministre de la guerre, poursuivi par les furieux de l’ayuntamiento et de l’état-major.

Espartero a assisté impassible à ces protestations si claires contre les actes coupables qu’il avait encouragés. Il n’a pas empêché davantage le général Diego Léon, comte de Belascoain, dont le dévouement à l’autorité royale n’est pas douteux, d’entrer à Barcelone avec la division de la garde, et d’amener ainsi à la reine des défenseurs pour le cas d’agressions nouvelles. Enfin, quand la reine a manifesté l’intention de quitter Barcelone, il ne s’est pas non plus opposé à ce départ, qui délivrait sa prisonnière. Il était dès-lors complètement rentré dans le rôle passif qu’il affectionne par tempérament et par système, et dont il n’est sorti un jour si malheureusement que parce qu’il y a été entraîné presque sans s’en douter.

Il n’est intervenu dans le ministère nouveau que pour un fait qui n’a rien de politique. À peine ce ministère a-t-il été constitué, que le généralissime, revenant à ses anciennes habitudes, a brusquement demandé, pour les besoins de l’armée, au ministre des finances, don José Ferraz, douze millions de réaux pour le lendemain, et cinquante-trois millions à des termes très rapprochés. On sait que le gouvernement n’a été long-temps pour Espartero, et il voudrait en être encore là, qu’un fournisseur secondaire, qu’il gourmandait sans cesse, et qui devait se prêter sans murmurer à ses plus excessives exigences. M. Ferraz a été tellement troublé des façons d’agir du généralissime,