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sont pas établis comme ceux des autres administrations. Celles-ci sont en quelque sorte détachées de l’unité nationale, ou n’y conservent que peu de liens, ce qui entraîne les plus graves inconvéniens pour le service et surtout pour la prospérité des colonies. L’administration des douanes coloniales, au contraire, ne fait qu’un avec l’administration centrale. Elle obéit aux mêmes règles, au même contrôle, à la même hiérarchie : c’est là ce qui nous semble l’état normal des colonies avec leurs métropoles, et ce qui sera tôt ou tard appliqué aux autres parties de l’administration coloniale : cultes, justice, enregistrement et domaines, administration civile.

M. le comte de Moges, retenu à la Martinique, n’a point pris part aux premiers travaux. Il apportera des élémens utiles dans la discussion. M. de Moges est un des officiers-généraux les plus distingués de notre armée navale ; il connaît bien les colonies, et il en comprend l’importance. Pendant le cours de son administration, il s’est fait une place à part, en prenant une position active sur les deux points essentiels de la question coloniale. Aux planteurs il a dit qu’il fallait se préparer à l’émancipation, et on lui a répondu par le mot impossible. À la métropole il a dit que les colonies devaient avoir la faculté d’exporter au moins lorsque les prix de leurs denrées sont trop bas ; de ce côté encore on lui a répondu par le mot impossible. L’avenir néanmoins résoudra ces deux questions dans le sens de ses actes.

M. de Mackau est moins arrêté dans l’ensemble de ses vues. Il paraît croire à la possibilité du statu quo et s’effrayer des résultats de l’expérience anglaise. M. de Mackau a cependant rapporté une impression favorable de la seule colonie qu’il ait visitée, Antigue. Il a jugé les autres possessions d’après des rapports de journaux ou de voyageurs. Dans le conflit actuel des opinions, ce sont des témoignages peu sûrs. Néanmoins l’opinion de M. de Mackau n’était pas sans importance pour donner à la discussion toute son étendue et faire envisager sous toutes leurs faces les difficultés sérieuses qu’il faudra résoudre. M. de Mackau, appelé au commandement de l’expédition de la Plata, est maintenant éloigné de la commission ; s’il devait y être remplacé, le gouvernement songerait sans doute à une personne qui aurait l’habitude des affaires coloniales. M. Jubelin, gouverneur de la Guadeloupe, a demandé son rappel. Dans le cas où M. Jubelin reviendrait en France, sa place serait marquée dans le sein de la commission. M. Jubelin, qui a vieilli dans l’administration de la marine, est né à la Martinique ; il a été successivement gouverneur du Sénégal, de la Guyane, et de la Guadeloupe ; il est depuis plusieurs années dans cette dernière colonie. Personne en France ne connaît mieux les ressorts pratiques et toutes les traditions des affaires coloniales. M. Jubelin mérite cependant quelques reproches pour avoir entièrement écarté, dans son dernier discours au conseil colonial de la Guadeloupe, la question d’émancipation. On dirait, à entendre parler ainsi un gouverneur, qu’il partage les illusions quelquefois volontaires de ceux qui, à la veille de la nomination de la commission, annonçaient qu’en France il n’était plus question d’esclavage, et qui ont eu la simplicité politique de considérer comme un ajour-