qu’ils entendent ou voient le redoutable animal ; le mot carabao ! carabao ! est répété au loin par les échos, et les chasseurs, qui doivent toujours se tenir dans le voisinage d’un arbre élevé, sont avertis de grimper le plus lestement possible pour éviter une rencontre presque toujours funeste à celui qui veut la braver. Si le buffle passe à côté de l’arbre où on est placé, on peut le tirer à l’aise et sans crainte ; c’est le moyen ordinairement employé par les Tagals. Dans une chasse aux cerfs, M. Barrot, qui avait été obligé, comme les autres, d’escalader un arbre, manqua le carabao à une petite distance, quoiqu’il eût tué dans cette même partie deux cerfs à des portées très grandes.
Nous avions apporté notre attirail de chasse, espérant pouvoir faire une course dans la montagne contre les cerfs et les sangliers mais il fallut y renoncer à cause de la pluie et des chemins rendus impraticables même pour les chevaux si agiles et si sûrs dont on se sert dans ces excursions. Nous fûmes obligés, le lendemain de notre arrivée, de nous rabattre sur les bécassines et les cailles, qui étaient bien peu nombreuses.
Nous fîmes, d’ailleurs, malgré la pluie, une partie fort amusante sur une petite île située à quatre ou cinq milles de la Hala, et qu’on nomme en tagal l’île aux Chauves-Souris. Ces animaux, qui s’y trouvent par myriades, et qui ne ressemblent en rien à ceux que nous voyons en Europe, sont, à ce que je crois, les roussettes des naturalistes ; plusieurs voyageurs les ont désignées sous le nom de renards volans, et leur tête, en effet, ressemble assez à celle du renard ; leur corps est, dit-on, un délicieux manger, et comme ils volent très bien dans le jour[1], on ne se douterait pas, à voir l’énorme dimension
- ↑ Les roussettes des Mariannes ont les mêmes habitudes diurnes que celles des Philippines ; voici comment s’expriment à ce sujet MM. Quoy et Gaimard dans la zoologie du voyage de l’Uranie :
« Cet archipel n’a qu’un mammifère qui ne lui ait pas été apporté, c’est la roussette de Kerandren, dont les nombreuses troupes n’occasionnent point de dégâts, parce que les insulaires ne cultivent presque pas d’arbres à fruit.
« Nous avouons que nous fûmes étrangement surpris, lorsqu’étant avec M. Bérard sur la petite île aux Cocos, nous vîmes ces animaux, bravant l’éclat du soleil, voler en plein jour. Jusqu’à cet instant, nous avions cru que, fuyant la lumière, ils ne sortaient que pendant les ténèbres. Ils planent à la manière des oiseaux de proie, et s’accrochent, dans le repos, aux arbres ou bien sur les rochers. Les Mariannais en mangent la chair, malgré l’odeur désagréable qu’elle exhale. »
M. Salt a vu aussi à Mahavilly, dans le Mysore, des chauves-souris de quatre pieds d’envergure voler en plein jour. (Voyage de lord Valentin.)