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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.

seconde partie du livre de M. de Tocqueville fera comprendre nettement notre pensée. De quoi traitaient essentiellement les deux premiers volumes ? du principe de la souveraineté du peuple en Amérique, du système communal, des trois pouvoirs législatif, exécutif, judiciaire, de la constitution fédérale, des partis, de la liberté de la presse, du vote universel, de l’omnipotence de la majorité aux États-Unis, et ainsi de suite ; vastes et importans sujets, sans doute, mais où tout est connu, défini, les idées comme le langage. On peut admettre ou repousser la souveraineté du peuple, le vote universel, l’omnipotence de la majorité, la séparation des pouvoirs ; mais il n’est pas deux manières d’entendre ces principes et ces faits. Tout homme doué de quelque instruction a une idée nette du sens de ces expressions ; il ne conçoit, en les entendant, ni plus, ni moins qu’un autre homme.

Dans la seconde partie, M. de Tocqueville traite premièrement de l’influence de la démocratie sur le mouvement intellectuel, puis de son influence sur les sentimens ; troisièmement, de son influence sur les mœurs proprement dites ; enfin il traite, dans une dernière division, de l’influence qu’exercent les idées et les sentimens démocratiques sur la société politique. Pourrait-on affirmer que ces titres de section, que ces étiquettes présentent à l’esprit du lecteur un champ parfaitement délimité, des idées aussi nettes que celles que lui présentaient les titres de la première partie ? Évidemment non : la limite entre le mouvement intellectuel et les sentimens, entre les sentimens et les mœurs, est réelle sans doute, mais elle est difficile à saisir. Demandez à dix personnes le détail par chapitre de chacune de ces sections, vous obtiendrez probablement dix plans différens. Demandez à dix personnes les subdivisions d’un traité sur la séparation des pouvoirs, probablement vous ne remarquerez dans les détails que de légères différences. Encore une fois, cette diversité tient à la nature même des choses, et nous ne reprochons point à M. de Tocqueville ce qu’il peut y avoir de vague dans ses grandes divisions.

Loin de là ; notre remarque n’a d’autre but que d’expliquer à plus d’un lecteur la cause réelle d’une sorte de mécompte qu’ils ont éprouvé en lisant un livre qu’ils attendaient avec une juste impatience et dont ils se sont avidement emparés. C’est qu’ils y cherchaient ce qui ne devait pas s’y trouver, je veux dire une véritable continuation, et pour la forme et pour le fond, du premier ouvrage. Dans la première partie, l’auteur a appliqué la méthode de Montesquieu à une organisation politique toute nouvelle ; dans la seconde