Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 23.djvu/912

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
908
REVUE DES DEUX MONDES.

la race arabe est encore ce que nous la voyons dans l’histoire, ce sont encore les Arabes de Grenade et de Cordoue. Mais quand, oubliant un instant l’éclat de leurs conquêtes, nous examinons de près, même dans l’histoire, le caractère de la race arabe, que voyons nous ? une race dont l’enthousiasme religieux a fait une armée plutôt qu’une nation, qui a conquis une partie du monde, mais qui n’en a pas fait un empire, comme ont fait les Romains ; elle en a fait je ne sais combien d’empires divers ; et ces empires, qu’ils ont été courts et passagers ! Que de dynasties précipitées les unes sur les autres ! quel chaos, et dans ce chaos quel mouvement rapide et tumultueux ! L’unité et la durée, voilà ce qui a toujours manqué aux pouvoirs créés par la race arabe. Venus du Midi, ces pouvoirs ont eu pour ainsi dire la vie des plantes de leurs climats, une végétation brillante et courte ; tandis que, venue du Nord, la race turque a fondé un empire qui expire aujourd’hui, mais qui dure depuis cinq cents ans et plus. Pour un empire en Orient, cinq cents ans de durée, c’est l’éternité.

Ainsi l’histoire, de ce côté, s’accorde avec le jugement de Méhémet-Ali. Même dans ses beaux jours, la race arabe n’est pas faite pour le commandement. Dégradée en Égypte par un long esclavage, elle n’a rien de ce qu’il faut pour gouverner. À ce sujet, je ne veux point d’autre témoignage que celui de M. Clot-Bey. M. Clot-Bey est très favorable à la race arabe. Il énumère avec complaisance tout ce que Méhémet-Ali a fait pour régénérer la race arabe, et il l’en loue beaucoup ; puis il continue : « Les Égyptiens n’ont point l’instinct du commandement, voilà pourquoi le vice-roi n’a pas pu leur confier les premiers postes. Quoique très intelligens, s’ils ne sont pas dirigés, ils ne savent rien mener à fin. Les Turcs, au contraire, accoutumés à la supériorité, ont cette tenue, cette dignité, cette confiance en soi, qui sont nécessaires à ceux qui gouvernent. » J’ajouterai au témoignage de M. Clot-Bey un autre témoignage qui confirmera encore la justesse du système de Méhémet-Ali à l’égard des Arabes. Les religieux de la Terre-Sainte ne se recrutent pas parmi les habitans du pays ; les pères sont tous Européens, et comme quelqu’un leur demandait la cause de cette exclusion : « On ne peut jamais faire complètement fond sur un Arabe, répondit un des pères, et le saint-siége ne veut pas leur confier l’exercice du pouvoir sacerdotal. » Ainsi Méhémet-Ali et le pape jugent de la même manière la race arabe. Ils lui trouvent beaucoup d’esprit et d’intelligence, et la regardent cependant comme incapable de se gouverner elle-même, soit dans l’ordre civil, soit dans l’ordre religieux.