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pénétré, c’est elle qui en serait la maîtresse. C’est là ce qui prouve combien est monstrueuse l’alliance anglo-russe.

Chose singulière en apparence, mais vraie cependant ! L’Angleterre comme la Russie ne peuvent avoir qu’un allié naturel, et cet allié, c’est la France.

L’Angleterre, parce que la France est la seule puissance qui aurait pu l’aider sérieusement à contenir la Russie dans ses limites ;

La Russie, parce que la France n’a pas, soit en Orient, soit en Occident, des intérêts absolument incompatibles avec les vues et les intérêts de la Russie. C’est ce que l’empereur Alexandre s’efforçait de faire comprendre à Napoléon dans leurs fameuses conférences. Si Napoléon eût été moins exclusif et moins ambitieux, probablement la Russie serait depuis long-temps maîtresse de Constantinople, et Napoléon serait mort sur le plus beau trône du monde.

Mais laissons de côté toute vaine hypothèse et revenons aux choses positives, telles que les ont faites les erreurs et les passions des hommes. Nous ne cesserons pas de le répéter : quels que soient les évènemens qui se préparent, la France n’a dans ce moment qu’une chose essentielle à faire : armer, armer, armer.

Une fois cela fait, tout est facile, tout peut être honorable. La France désarmée verrait bientôt ses intérêts les plus chers profondément lésés, sa dignité et son honneur compromis.


M. le vicomte de Falloux vient de publier, sous le titre de Louis XVI ; une histoire détaillée et intéressante dans laquelle il a su, sans exagération, avec gravité et douceur, rassembler tous les traits de cette royale et vertueuse destinée. « Beaucoup de livres, dit-il dans sa préface, ont été publiés sous le titre de Vie ou d’Histoire de Louis XVI ; mais les uns dépassent promptement leur cadre, les autres se renferment systématiquement dans l’éloge, tous peut-être laissent encore place à une simple biographie. » Ce dessein modeste, et qui est né chez lui d’un sentiment pieux, M. de Falloux l’a dignement rempli ; pour ceux même qui ne prennent au malheureux monarque qu’un intérêt humain et sans culte singulier, il y a profit à trouver rassemblés par une plume élégante et judicieuse, tous les actes, les évènemens successifs, les motifs et les intentions combattues qui composent sa triste fortune, et qui font comme l’enchaînement de la trame. L’histoire s’éclaire ici de plus d’une vue du biographe ; des citations habilement rapprochées et contrastées permettent au lecteur de conclure sans que l’auteur ait besoin de discuter. L’écueil de ce sujet était une sorte de déclamation traditionnelle ; M. de Falloux a su s’en garder, et, tout en demeurant sous l’empire d’un sentiment profond, il ne l’a produit qu’avec discrétion, avec goût, et seulement à l’aide des faits.



V. de Mars.