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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

les délices du nôtre. Et c’est une chose étrange que de toute cette fameuse pléïade d’excellens esprits qui parurent sous le règne du roi Henri second, je ne vois que celui-ci qui ait conservé sa réputation toute pure et tout entière : car ceux-là même qui, par un certain dégoût des bonnes choses et par un excès de délicatesse, ne sauroient souffrir les nobles hardiesses de Ronsard, témoignent que celles de Du Bellay leur sont beaucoup plus supportables, et qu’il revient mieux à leur façon d’écrire et à celle de notre temps. » Sans aller si loin, notre impression est la même. Et non-seulement par ses œuvres, mais aussi par sa destinée, Du Bellay nous semble offrir et résumer dans sa modération l’image parfaite et en quelque sorte douloureuse d’une école qui a si peu vécu.

Il naquit au bourg de Liré, dans les Manges, à douze lieues d’Angers vers 1525. Cette date a été discutée. Ronsard était né le 11 septembre 1524, et Du Bellay a dit dans un sonnet des Regrets :

Tu me croiras, Ronsard, bien que tu sois plus sage,
Et quelque peu encor, ce crois-je, plus âgé.

En supposant donc Joachim né après septembre 1524, comme d’ailleurs on sait positivement qu’il mourut le 1er janvier 1560, il n’a vécu que trente-cinq ans[1]. La famille de Du Bellay était ancienne, et surtout d’une grande illustration historique récente, grace à la branche d’où sortaient les deux frères, M. de Langey et le cardinal Du Bellay, si célèbres par les armes, les négociations et les lettres sous François Ier[2]. M. de Langey mourut en 1543, avant que Joachim entrât dans le monde, et le cardinal, qui était souvent à Rome, et qui y séjourna même habituellement depuis la mort de François Ier, ne paraît avoir connu que plus tard son jeune cousin. Celui-ci passa une enfance et une jeunesse pénibles ; malgré son illustre parentage, il

  1. Pourtant, au recueil latin intitulé : Joachimi Bellaii andini Poematum Libri quatuor (Parisiis), 1558, dans une épigramme à son ami Gordes (f. 24), Du Bellay, déplorant ses cheveux déjà blancs et sa vieillesse anticipée, a dit :

    Et faciunt septem lustra peracta senem.

    Il aurait donc eu trente-cinq ans accomplis en 1558. Mais la nécessité du vers l’aura ici emporté sur l’exacte chronologie, et Du Bellay aura fait comme Béranger, qui, dans sa chanson du Tailleur et de la Fée, s’est vieilli d’un an ou deux pour la rime.

  2. Martin Du Bellay, frère de M. de Langey et du cardinal, personnage distingué aussi, mais alors moins considérable qu’eux, est aujourd’hui leur égal en nom pour avoir continué et suppléé les Mémoires de M. de Langey.