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lassaient pareils à des dieux, se troubler, pâlir tout d’un coup, si Sa Sainteté, de qui ils tiennent tout, a craché dans le bassin un petit filet de sang,

Puis d’un petit souris feindre la sûreté !

Parmi le butin que Du Bellay rapporta de Rome, il m’est impossible de ne pas compter les plus agréables vers qu’on cite de lui, bien qu’ils ne fassent point partie des Regrets ; mais ils ont été publiés vers le même temps, peu avant sa mort ; je veux parler de ses Jeux rustiques. C’est naturellement le voyage d’Italie qui mit Du Bellay à la source de tous ces poètes latins de la renaissance italienne, et de Naugerius en particulier, l’un des plus charmans, qu’il a reproduit avec prédilection et, en l’imitant, surpassé. Naugerius, ou Navagero, était ce noble vénitien qui offrit à Vulcain, c’est-à-dire qui brûla ses premières Sylves imitées de Stace, quand il se convertit à Virgile, et qui sacrifiait tous les ans un exemplaire de Martial en l’honneur de Catulle. Il ne vivait plus depuis déjà long-temps quand Du Bellay fit le voyage d’Italie ; mais ses Lusus couraient dans toutes les mains. Or, on sait la jolie chanson de Du Bellay :

UN VANNEUR DE BLE AUX VENTS.

À vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement ébranlez,

J’offre ces violettes,
Ces lys et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.

De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Ce pendant que j’ahanne[1]
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour !

  1. Ahanner, travailler, fatiguer.