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REVUE DES DEUX MONDES.


Je t’offre ces beaux œillets,
Vénus, je t’offre ces roses
Dont les boutons vermeillets
Imitent les lèvres closes

Que j’ai baisé par trois fois,
Marchant tout beau dessous l’ombre
De ce buisson que tu vois ;
Et n’ai su passer ce nombre,

Pour ce que la mère étoit
Auprès de là, ce me semble,
Laquelle nous aguettoit :
De peur encore j’en tremble.

Or’ je te donne ces fleurs ;
Mais, si tu fais ma rebelle
Autant piteuse à mes pleurs
Comme à mes yeux elle est belle,

Un myrte je dédîrai
Dessus les rives de Loire,
Et sur l’écorce écrirai
Ces quatre vers à ta gloire :

« Thénot, sur ce bord ici,
« À Vénus sacre et ordonne
« Ce myrte, et lui donne aussi
« Ses troupeaux et sa personne. »

N’a-t-on pas remarqué, en lisant, à cet endroit :

................
Imitant les lèvres closes
Que j’ai baisé par trois fois,

comme le sens enjambe sur la strophe, comme la phrase se continue à travers, s’allonge (sensim obrepit), et semble imiter l’amant lui-même glissant tout beau dessous l’ombre ?

De peur encore j’en tremble,

ce vers-là, après le long et sinueux chemin où le poète furtif semble n’avoir osé respirer, repose à propos, fait arrêt et image. Tout dans cette petite action s’enchaîne, s’anime, se fleurit à chaque pas. Du