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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

tombée de cette hauteur, et on avait trouvé la cause de sa décadence, d’abord dans les discordes civiles qui avaient appelé l’étranger au sein de la patrie, et lui avaient permis d’en arracher les lambeaux, ensuite dans un long asservissement intellectuel à la France, à laquelle on avait payé pendant plus d’un siècle le tribut d’une admiration imbécile, dont on avait singé la littérature, la philosophie, les manières, dont on s’était inoculé les vices et les folies, ce qui, à la suite de l’esclavage moral, avait dû amener nécessairement l’esclavage politique. Pour sortir de cet abaissement, s’était-on dit, il n’y avait qu’un moyen, c’était de redevenir Allemands, rien qu’Allemands, d’effacer partout comme une souillure la trace des idées et des mœurs étrangères, de raviver le sentiment patriotique en se nourrissant de tant de souvenirs glorieux, et de préparer ainsi la résurrection d’une Allemagne unie, forte, fière d’elle-même, et capable de reprendre son rang à la tête des nations. Tel fut le fonds d’idées exploité par les écrivains, les poètes, les savans, les professeurs ; tels furent les sentimens exprimés en paroles éloquentes par les Arndt, les Gœrres, les Kœrner, etc., et ce que nous venons de dire suffit pour faire voir quelle immense différence il y avait entre ce patriotisme allemand se rattachant toujours au passé avec amour, et le patriotisme de la France révolutionnaire par exemple. Ce sentiment d’orgueil national, tel que nous avons essayé de le caractériser, fut le grand instrument du soulèvement des populations en 1813, ce fut lui qui donna naissance à la fameuse Union de la vertu (Tugend-bund), qui enflamma d’une ardeur belliqueuse la jeunesse des écoles et la précipita presque tout entière dans les camps.

Les patriotes de 1813 s’étaient chaleureusement rattachés à la Prusse et à l’Autriche comme aux derniers soutiens de la liberté de l’Allemagne, et aucun encouragement ne leur avait manqué de la part des deux puissances. Leur centre était forcément le nord de l’Allemagne, parce qu’il y avait antipathie réciproque entre eux et les princes du midi, qui s’étaient ralliés tard et de mauvaise grace à la cause nationale, et qui étaient pour la plupart entourés d’anciens illuminés, partisans déclarés des idées françaises. On comprend aisément que les traités de Vienne et de Paris ne répondirent pas aux vœux du parti patriote, qui, en général, ne voyait de salut pour l’unité de l’Allemagne que dans le rétablissement de la dignité impériale et dans la résurrection des vieilles libertés germaniques. Cette unité était à ses yeux le premier intérêt national, et il ne trouvait pas juste de la sacrifier aux convenances de quelques princes dont la plupart