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PERCIER.

sur l’esprit d’un jeune homme aussi bien préparé que l’était M. Percier à la contemplation de tant de merveilles ! Cette impression fut si vive et si profonde, qu’elle s’empara de tout son être et qu’elle s’étendit sur toute sa vie. Mais, pour apprécier le résultat qu’en retira M. Percier, il ne suffirait pas de connaître quel était le sentiment particulier de cet artiste ; il faudrait encore se représenter quelle était alors la manière générale de concevoir et de rendre l’architecture des anciens. Or, c’était le temps où notre école ne pratiquait encore que cette espèce d’exécution large et facile qui ne permet pas d’y reconnaître le sentiment et la finesse des différens styles de l’art, et qui, suffisante à peine pour l’architecture des Romains, reste à une si grande distance de celle des Grecs. Déjà pourtant une révolution tout entière s’était opérée dans les études, depuis que David Leroy, échauffé de l’esprit de Winckelmann, avait vu les monumens d’Athènes et s’était exercé à les reproduire. C’était sous l’influence et avec les leçons de ce chef d’école, dont l’enthousiasme égalait le savoir, que s’étaient formés les plus habiles maîtres du temps où M. Percier fit ses premiers pas dans la carrière. Mais, il est permis de le dire, si la main peu sûre encore de David Leroy avait trahi sa pensée au point de trahir l’art des Grecs lui-même, son école, bien que rendue plus savante à la fois par l’exemple de ses fautes et par l’étude de ses modèles, n’était pas encore arrivée au point de comprendre les Grecs et surtout de les rendre, et il s’en fallait beaucoup que les meilleurs dessinateurs du temps, MM. Peyre, de Wailly et Desprez, eussent ce sentiment de l’antique qui rend seul capable de le reproduire. On peut juger de ce qui manquait alors à l’école par les travaux de M. Paris, ce maître au mérite et à l’amitié duquel M. Percier eut tant d’obligations, habile dessinateur lui-même et principal collaborateur du Voyage des Deux-Siciles. Là se montre en effet cette tendance à se rapprocher de l’élévation et de la pureté du style antique, qui était un sentiment réfléchi chez les hommes supérieurs et un vague instinct chez tous les autres, en même temps que cette insuffisance d’exécution qui tenait à une pratique différente et à une habitude invétérée. Telle était donc l’école d’où sortait M. Percier lorsqu’il se trouva transporté à Rome, seul désormais avec son sentiment propre, son organisation si délicate et son goût si fin, en présence de cette architecture antique à la fois si mâle et si élégante, si riche et si sévère, si imposante dans toutes ses masses et si étudiée dans tous ses détails. Et peut-on encore être surpris que ce spectacle magnifique ait causé