Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

donna del Carmine, lui disait dans les momens de grande fatigue et d’accablement : — Mon frère, supportez tout cela patiemment pour l’amour de Dieu et de la madonne ! — C’était sans doute l’aumônier de la bande, car un fratone n’eût pas mieux dit.

Le chef seul paraissait supérieur à ses compagnons ; il se disait de Sonnino, et assurait qu’il avait été l’un des cinq chefs députés à Frosinone pour traiter avec le cardinal Gonsalvi. — La force ne peut rien contre nous, répétait-il souvent : nous ne sommes pas une forteresse qu’on peut démolir avec du canon ; mais, comme l’aigle et le vautour, nous volons autour du sommet des rocs élevés sans avoir de demeure fixe. — Cet homme empruntait sans doute ses comparaisons et son langage aux romans héroïques et aux histoires de brigands fameux, dont il faisait sa lecture accoutumée. — Si sept d’entre nous viennent à succomber, disait-il encore, le lendemain dix se présenteront pour les remplacer ; mais nous sommes tous décidés à vendre chèrement notre vie et à finir par un coup d’éclat. Le seul moyen de nous réduire, ce serait de nous accorder un pardon sans réserve, et encore faudrait-il que le pape lui-même nous jurât l’oubli du passé.

Le messager de Castel-Madama arriva enfin, apportant l’argent ; les brigands tinrent parole, et le docteur Cherubini fut aussitôt remis en liberté. Sa reconnaissance était si grande, qu’il ne voulut pas quitter les brigands sans les remercier de la bonté qu’ils avaient de l’épargner, et de la politesse ainsi que de tous les soins qu’ils avaient eus pour lui durant sa captivité.

Cette bande, dont le quartier-général était voisin de Subiaco, séjourna jusqu’à l’automne dans ces montagnes, bravant impunément le gouvernement pontifical, et menaçant la sûreté des habitans de Rome, qui purent voir plus d’une fois la fumée de ses bivouacs.

Pendant cette longue période de temps, Tivoli, Subiaco, Palestrine, et toutes ces petites villes qui dominent la campagne de Rome, furent dans la terreur. À la vue d’un homme armé d’un fusil, ou d’un feu allumé dans la montagne, le tocsin sonnait. Ces alarmes se renouvelaient plusieurs fois par jour. Chaque soir, la cloche de l’église épiscopale de Tivoli sonnait la retraite ; à ce signal, les cabarets se fermaient, la garde civique se rendait aux postes indiqués, et des sentinelles étaient placées sur chacun des ponts qui donnent accès dans la ville. On savait que les brigands avaient le projet de tenter un coup de main sur le quartier neuf de Tivoli, et d’enlever quelques-uns des riches propriétaires qui y sont logés, afin de s’assurer des rançons