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philosophique de l’auteur, il subsistera des observations bien faites que chacun peut apprécier de son point de vue, et, pour ainsi dire, avec son optique spéciale. Les mêmes faits, on le sait, peuvent réfléchir et confirmer souvent des idées différentes.

La philosophie de ce livre semble se résumer ainsi : L’homme doit développer toutes ses passions, vivre de toutes les vies, et c’est de cette direction harmonique de toutes les puissances de l’homme vers leur fin que résulte le bonheur. Cette théorie, bien que développée avec art, est radicalement fausse. Le but de l’activité humaine, ce n’est point le bonheur, ce n’est point le plaisir, c’est le devoir. Or, le devoir, c’est le plus souvent le sacrifice d’une passion, d’une satisfaction individuelle. Toutes les déviations intellectuelles, toutes les déviations des sens, se trouveraient de la sorte justifiées. Je sais bien que M. Voisin peut refuser d’admettre ces conséquences, que son dévouement bien connu à la science et aux plus tristes misères de l’humanité contredirait d’ailleurs ; mais le raisonnement y pousse. C’est le privilége des nobles intelligences de n’être point logiques, quand elles partent d’un système faux. Avec des prémisses qui, selon nous, concluent inévitablement à l’égoïsme, M. Voisin aboutit dans la pratique au désintéressement, inconséquence honorable qui met l’esprit après le cœur !


— Le musée de peinture (Reale Galleria) de Turin vient d’être l’objet d’un vaste et consciencieux travail dû au directeur de cette belle galerie, M. le marquis d’Azeglio. L’histoire et la description de ce musée, telle est la tâche à laquelle M. d’Azeglio a consacré, pendant plusieurs années, tous ses efforts. Chacun des tableaux que renferme la galerie royale de Turin a été successivement décrit et apprécié par le savant écrivain. Grace au cadre qu’il a choisi, M. d’Azeglio a pu traiter, dans son ouvrage, plus d’un côté intéressant de l’histoire des beaux-arts. L’école flamande et l’école italienne comptent dans la galerie du roi Charles-Albert de nombreux et illustres représentans. Ç’a été pour M. d’Azeglio une occasion d’apprécier dans de rapides notices chacun des maîtres dont les chefs-d’œuvre sont conservés à Turin. De très belles gravures anglaises accompagnent le texte du marquis d’Azeglio. Nous reviendrons sur cet important ouvrage, qui prendra rang à juste titre parmi les plus curieuses publications de l’Italie actuelle.



V. de Mars.