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LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

quelques-uns de nos camarades ; les jours suivans, tous les autres nous quittèrent successivement, à mesure que les bergers ou les paysans apportaient l’argent de leurs rançons. Nous ne restâmes plus que trois ; les brigands, pour avoir moins de peine à nous surveiller, nous attachèrent le bras à la même corde. Un jour, c’était le huitième de notre captivité, je vis nos gardiens se parler avec mystère et nous jeter de temps à autre des regards sinistres. L’un d’eux ayant porté la main à son poignard, je pensais qu’il allait nous tuer, et je me jetai à genoux pour l’implorer. Massaroni, l’un des chefs de la troupe, s’approcha alors en souriant : — Fasani, me dit-il, rassure-toi ; nous pensons à mettre fin à ta captivité, mais, en attendant, fais-nous un sermon sur la mort. Je lui obéis, et je parlai le mieux que je pus, ne me doutant guère que ce sermon fût notre oraison funèbre à tous trois, et que les prières dont nous l’accompagnâmes fussent les prières des agonisans. Hélas ! j’avais à peine achevé, qu’un des brigands, prenant la corde qui nous attachait, nous traîna brusquement à travers les rochers au bord d’un ravin profond. Mes yeux supplians étaient attachés sur les yeux de cet homme ; je vis, au feu qui en sortait et à la manière dont il fronçait le sourcil, que notre dernière heure était venue, et que nous n’avions plus de pitié à espérer. En effet, je n’avais pas eu le temps de crier miséricorde ! que deux fois le poignard du brigand s’était plongé dans la poitrine de mes deux malheureux camarades, et que je me trouvai inondé de leur sang. Un coup semblable m’était destiné ; je l’esquivai, et je tombai à terre en fermant les yeux, entraîné dans la chute de mes compagnons, qui roulèrent lourdement sur le gazon. Je fus sans doute garanti par leurs corps, qui reçurent les coups de poignard qui m’étaient destinés. Cependant, comme ils se débattaient d’une manière convulsive, je me trouvai à découvert, et je vis briller de nouveau le poignard de l’assassin ; je me jetai à ses pieds, demandant la vie d’une voix déchirante et appelant à mon aide saint Antoine, son patron. Couvert comme je l’étais du sang de mes camarades, mon aspect était si pitoyable, que les bandits furent touchés. Je vis le poignard qui restait suspendu ; je levai les mains en suppliant, et j’implorai de nouveau saint Antoine et la Vierge. Cependant le brigand, poussant une affreuse imprécation, se précipitait vers moi ; mais Massaroni l’arrêta. Ne le frappe pas, s’écria-t-il d’une voix forte ; il vient d’invoquer saint Antoine, et cela nous porterait malheur. C’est le dernier des trois ; puisqu’il vit encore, on peut l’épargner. Facciamo un regalo a sant’ Antonio,