demi-portée de pistolet de la route, dans un fourré de myrtes qui, à cet endroit, s’avançait jusqu’au parapet du chemin. Nous étions alors à une centaine de pas de ce taillis ; je doutais encore. — C’est peut-être un bœuf qui s’est couché là, ou des paysans qui font des fagots, disais-je à mon compagnon, quand soudain je vis briller, comme un éclair au-dessus de la verdure, le bout d’un canon de fusil. Plus de doute, les brigands nous attendaient là. Machinalement je me retournai, pour voir s’il n’y aurait pas quelque chance de salut à rétrograder, ou si, par hasard, d’autres voitures ne nous suivraient pas. Quelle fut ma surprise, lorsque je vis sauter l’un après l’autre, des rochers le long desquels nous venions de passer, au milieu de la route, sept ou huit hommes armés jusqu’aux dents ; la retraite nous était coupée. Au même instant, les hommes qui étaient blottis en avant, dans les broussailles, se levèrent, et, en moins d’une minute, nous nous trouvâmes entourés par douze ou quinze bandits bien armés, avec lesquels il eût été insensé de vouloir engager une lutte. Le chef auquel ces hommes obéissaient nous cria : — Arrêtez et descendez. — La première de ces recommandations était inutile, car déjà le postillon avait fait halte.
Comme nous descendions, j’entendis un gros homme qui semblait le second chef de la bande dire à celui qui m’avait adressé la parole — Il n’y a que des femmes dans la voiture. — Tant mieux, répartit, le chef ; sont-elles belles ? — Bellissimes. — À merveille ! — jouta le premier avec un sourire que je crus comprendre, et qui me fit frémir. Quand nous fûmes descendus, cet homme, qui n’était autre que le fameux Barbone lui-même, nous demanda nos bourses.
Malheureusement elles étaient à peu près vides ; craignant quelque mauvaise rencontre, nous n’avions pris que l’argent nécessaire pour la route. Le brigand fronça le sourcil : — Face à terre (faccia in terra) ! nous cria-t-il, et il nous fit coucher en travers sous les roues de la voiture, ordonnant à deux hommes de sa bande de nous appuyer le bout du canon de leur fusil contre l’oreille, et de faire feu si nous bougions. Le reste de la troupe détacha les malles, les jeta à terre et commença la visite. Nos bagages étaient, à peu de chose près, en harmonie avec l’état de nos finances ; des habits, du linge et quelques robes de femmes en faisaient le fonds. Ces dames n’avaient ni bijoux ni étoffes de prix. En un instant, les malles et les caisses furent brisées et vidées au milieu du chemin, et chacun des brigands choisit, dans cette confusion, ce qui était à sa convenance. Ce choix fut bientôt fait. — Comment ! pas de cachemires ! pas de bijoux ! dit Barbone