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LE BRIGANDAGE DANS LES ÉTATS ROMAINS.

bras de sa mère, qui s’attachait encore convulsivement à sa robe, faisant un effort désespéré, avait tenté de se précipiter au milieu du brasier ; mais, retenue par le brigand, elle avait senti la bouche du misérable s’appuyer contre sa bouche, et venait de rouler sur le gazon. Sa mère, terrassée comme elle, poussait comme elle de ces effroyables cris de femmes qui vous font vibrer corps et ame, et qui retentissent pendant des mois aux oreilles de ceux qui les ont une fois entendus, quand tout à coup une lueur vive illumina cette scène d’horreur ; des balles sifflèrent autour de nous, je vis un des brigands trébucher et rouler dans le feu toujours allumé, où il resta immobile ; un autre poussa un cri aigu et tomba la face contre terre à nos pieds ; plusieurs coups de fusil retentirent à la fois.

Dieu soit loué ! les brigands sont surpris ! Telle fut ma première pensée. Barbone et son compagnon avaient lâché prise au bruit des coups de fusil, et sautaient sur leurs armes. — Couchez-vous à terre, criai-je en anglais à Mme B… et à sa fille que je vis se relever d’un air égaré ; couchez-vous, ce sont nos sauveurs, les balles pourraient vous atteindre ! — Mais ces dames, les yeux hagards et comme frappées de stupéfaction, restaient accroupies et immobiles. Les brigands commençaient à se reconnaître et essayaient de riposter. L’un d’eux, frappé d’une balle, tomba presque sur Mme B… Un autre, c’était, je crois, le gros lieutenant, la saisissant par les cheveux, la traîna derrière lui l’espace de quelques toises ; mais, comme les soldats arrivaient en foule au pas de course, il lâcha prise après l’avoir brutalement frappée du pied. Cependant les coups de fusil retentissaient de tous côtés, et ce fut vraiment par miracle qu’aucun de nous ne fut atteint. Les balles ne sifflant plus à nos oreilles, j’appelai un des soldats, qui coupa les cordes qui nous liaient les mains et les pieds ; nous pûmes alors nous traîner vers nos malheureuses compagnes, que le bruit de la fusillade qui s’éloignait faisait encore horriblement tressaillir. Le tertre que les brigands occupaient avait été cerné. Sept d’entre eux furent tués ou pris ; mais les deux chefs s’échappèrent, accompagnés d’une huitaine d’hommes, reste de la bande. L’officier qui commandait le détachement, tout en nous secourant, nous raconta que ses soldats avaient surpris et égorgé une des sentinelles des brigands, et que sans doute on les eût tous arrêtés si en entendant les cris des femmes qu’il croyait en danger de mort, il n’eût commandé le feu.

Nos compagnes commençaient à reprendre leurs sens, le capitaine les fit placer comme nous sur des brancards, car les forces de M. B…