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maximes frappées au coin de cette universalité départie à ses résultats sociaux.

Le droit des gens n’est pas demeuré, depuis Grotius, immobile dans ses formules, et les lois de l’équilibre européen ne suffisent plus aujourd’hui pour garantir la paix du monde et satisfaire la conscience publique. On comprend de nos jours tout autrement qu’après la guerre de trente ans et les attributs de la souveraineté et les droits des sujets, et la solidarité des nations entre elles ; celles-ci s’appartiennent trop à elles-mêmes pour qu’un mariage ou une succession princière suffise encore pour bouleverser le monde ; enfin, les périls permanens qui menacent, depuis vingt-cinq années, l’édifice élevé par le congrès de Vienne, constatent trop que les transactions fondées sur de pures convenances diplomatiques sont également dénuées de cette force morale qui seule fonde le droit et garantit l’avenir.

Il est donc à croire que des principes plus larges serviront un jour de base à des combinaisons moins factices, et que des violences contre lesquelles le temps ne prescrit pas, seront redressées, dans l’intérêt commun, selon des lois plus rationelles et des principes moins arbitraires. Quand se consommeront ces grands changemens, par quelles voies s’opéreront-ils ? Ceci est en dehors des prévisions humaines. Quelle attitude devra prendre la France lorsque les évènemens la contraindront à des résolutions décisives ? quelles maximes doit-elle proclamer dès aujourd’hui comme bases de son droit public et de son système fédératif ? je crois que ces questions peuvent, dès à présent, êtres posées et résolues.

L’intelligence humaine est aujourd’hui vivement préoccupée d’une idée à laquelle les faits consommés paraissent avoir imprimé comme une sorte de consécration. On croit à la puissance de la raison publique au point d’espérer que la guerre pourrait cesser de devenir le dernier argument des rois ; on trouve dans les précédens que chaque jour accumule les premiers délinéamens d’une jurisprudence internationale qui fera prévaloir le génie de transaction où domina si longtemps celui de la force. On ignore sans doute encore le mode selon lequel pourrait se constituer d’une manière définitive ce haut arbitrage européen, on ne sait rien ni des moyens à employer pour l’accomplissement d’une telle œuvre, ni de la manière dont elle pourrait se combiner avec l’indépendance respective des états ; mais l’on croit fermement à la formation d’une association nouvelle, et l’on en poursuit la pensée sous mille formes : les uns l’érigent en théorie