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LE BHÂGAVATA PURÂNA.

le corps gisait toujours ; la vue rentra, il gisait toujours ; l’ouïe rentra, il gisait toujours ; le manas rentra, il gisait toujours ; le souffle de vie rentra : à peine fut-il rentré, que le corps se releva. » C’est la fable de l’estomac et des membres, si célèbre dans l’histoire romaine ; mais il y a, comme le dit spirituellement M. Burnouf, « entre l’hymne du brahmane et l’apologue de Menenius Agrippa, la différence de l’Himalaya aux sept collines ; » j’ajoute, la différence du bon sens pratique du peuple de l’action au génie abstrait de la nation métaphysique par excellence. Du reste, dans ce morceau, la rédaction moderne des Pouranas est bien inférieure à l’antique version des Vedas : c’est une imitation tronquée et prosaïque ; il semble voir un beau cantique hébreu qui s’est transformé en un hymne grossier du moyen-âge.

Les Pouranas sont principalement consacrés à servir d’organes aux sectes religieuses de l’Inde. Il faut se souvenir que les trois personnes de la trinité indienne ne tiennent pas le même rang dans la croyance de tous ceux qu’on a coutume de confondre sous le nom d’adorateurs de Brahma. Brahma n’est le dieu principal que pour une secte bien moins nombreuse que celles dont le culte s’adresse surtout, soit à Siva, soit à Vichnou. Il en a été des Pouranas, expression de la dévotion hindoue, comme de cette dévotion elle-même ; ils se sont partagés entre Brahma, Siva, Vichnou[1]. Le Brahma-Purâna est consacré à la gloire de Brahma, et surtout au culte qu’il reçoit sous le nom du soleil, dans la pagode de Jagernat. Le Linga-Purâna est énergiquement sivaïte ; le Vamamsa-Purâna, l’un des plus modernes, est plus tolérant que ne le sont en général les ouvrages à la classe desquels il appartient. Vichnou et Siva y sont réunis dans un singulier éclectisme. Le plus grand nombre des Pouranas, et entre autres les deux publiés, sont vichnouites.

Le nom même du Vichnou-Purâna indique assez ce qu’il doit être sous ce rapport ; en effet, ce Pourana n’est guère qu’un long commentaire sur les perfections de Vichnou. Brahma, à la tête de tous les dieux, l’adore et célèbre les louanges[2] du dieu suprême que lui-même ne peut comprendre ; les dieux, battus par les démons,

  1. Un passage du Padma-Purâna les divise en trois classes, selon qu’ils se rapportent à Vichnou, à Siva ou à Brahma. Les premiers seulement sont vraiment purs, les seconds sont pleins d’ignorance, et les derniers pleins de passion. Cela prouve que l’auteur du Padma-Purâna était vichnouite et n’aimait ni Siva ni Brahma. (Vishnu-Purana, Wilson, pref., pag. xiii.)
  2. Vishnu-Purana, pag. 72.