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RAYMOND LULLE.

chimiques. Le second donne une suite de recettes pour obtenir les sels de toutes les substances minérales qui en contiennent ou en produisent. Le troisième traite encore des sels, mais plus particulièrement de la calcination des métaux[1].

Rhazès, médecin, chirurgien et anatomiste, Arabe de nation, mort en 922 de notre ère, tient encore une place éminente parmi les chimistes de son pays et de son temps. Il passe pour être le premier qui ait fait mention de l’eau-de-vie, arak. Son livre intitulé : Préparation du Sel ammoniac, est cité par les savans comme une œuvre très remarquable, et dans le cours de ses traités sur la médecine, on peut acquérir la conviction que ce célèbre praticien avait fait de fréquentes applications de ses connaissances chimiques à la pharmacologie. La nature de ses études l’avait également conduit à s’occuper de la transmutation des métaux.

Vient ensuite, mais près de deux siècles plus tard, Albert-le-Grand, issu d’une très noble famille, et né à Lawingen, dans le duché de Neubourg, en Souabe, l’an 1193. Dès l’âge de vingt-deux ans, il était entré dans l’ordre des dominicains ; sa piété et sa vertu le firent nommer évêque de Ratisbonne en 1260. Cet homme, dont les traditions populaires ont fait jusqu’à nos jours une espèce de thaumaturge et de sorcier, fut remarquable au contraire par la profondeur de sa science et le calme de sa raison. Conformément à la disposition de tous les esprits élevés de son temps, il s’appliqua aux études encyclopédiques, et ne négligea pas la transmutation des métaux. Cependant son principal ouvrage : Des Minéraux et des Substances minérales (De Mineralibus et rebus metallicis) forme un traité dans lequel le savant expose et discute les opinions des chimistes de l’antiquité et de l’école arabe avec une précision de critique et un calme scientifique qui ne justifient guère les légendes absurdes recueillies par ses biographes. Loin de se donner comme ayant des ressources surnaturelles et pour un inventeur de secrets, Albert-le-Grand, guidé par l’observation et esclave des expériences qu’il avait eu souvent l’occasion de faire dans son pays si riche en mines, fut au contraire un savant plein de discrétion et de prudence, un philosophe vraiment sage. Sa piété, d’ailleurs, comme celle qui anima Roger Bacon et Raymond Lulle, lui faisait voir dans l’étude des sciences physiques un moyen d’affermir les bases sur lesquelles devait reposer la théologie, et une

  1. Ces trois ouvrages se trouvent dans la Bibliotheca chimica curiosa, de Mauget, tom. Ier, pag. 519-564.