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EXPÉDITION DE GOMEZ.

On sera peut-être étonné d’apprendre que l’expédition n’eut d’autre but à son origine que de soulever les Asturies ; c’est ce qui est pourtant hors de doute. Depuis la mort de Zumalacarreguy, tué devant Bilbao, l’armée carliste de Navarre n’avait tenté aucun effort sérieux pour sortir de ses lignes. L’armée constitutionnelle, sous les ordres du général Cordova, formait un demi-cercle autour des provinces, et semblait près d’étouffer, en se resserrant de plus en plus, le foyer de l’insurrection. Il fut décidé au quartier royal qu’une expédition serait tentée pour opérer une diversion, et porter la guerre sur un autre point de la Péninsule. Les Asturies et la Galice furent désignées pour devenir le théâtre de cette tentative, comme étant à la fois les plus rapprochées de la Navarre, et les plus favorables, par la nature de leur sol et par ce qu’on disait des dispositions de leurs habitans, à l’établissement de la guerre civile. Le chef choisi pour commander l’expédition fut l’ancien ami et compagnon d’armes de Zumalacarreguy, le maréchal-de-camp don Miguel Gomez, justement estimé dans l’armée carliste pour sa bravoure, ses talens militaires et son caractère ferme et loyal.

Gomez avait alors cinquante-deux ans, et comptait trente ans de services honorables. Né à Torre don Gimeno, dans le royaume de Jaen, en Andalousie, d’une famille noble, il était, en 1808, étudiant dans sa quatrième année de lois à l’université de Grenade. Lors de l’invasion de Dupont en Andalousie, il prit les armes, comme volontaire, contre les Français. L’ancienne influence de sa famille dans le pays lui permit de rassembler en peu de temps, autour de lui, une petite troupe, et il devint d’abord sous-lieutenant, puis lieutenant dans les compagnies franches qui se formèrent à Jaen. Fait prisonnier en 1812, il fut conduit en France au dépôt d’Autun, d’où il s’évada un an après pour rentrer en Espagne. En 1815, il se retira avec le grade de capitaine. En 1820, il fut des premiers qui prirent les armes contre l’autorité des cortès, et en faveur du pouvoir absolu. Il servit alors dans le second bataillon de Navarre, dont Zumalacarreguy était commandant, et il devint lui-même commandant de ce bataillon, quand son chef obtint de l’avancement.

Mis en disponibilité en 1832, il se rendit à Madrid, et y retrouva Zumalacarreguy, qui était également en disponibilité. Cette conformité de situation resserra entre eux les liens d’une amitié contractée au milieu des hasards de la guerre. Pendant la maladie de Ferdinand VII, ils virent plusieurs fois don Carlos et lui offrirent leurs bras pour le moment où il en aurait besoin. Aussitôt après la mort du roi, tous deux partirent de Madrid, l’un pour la Navarre, l’autre