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EXPÉDITION DE GOMEZ.

long des montagnes, menaçant à la fois les Asturies et le royaume de Léon, et trompant à tout moment la poursuite de son ennemi par la promptitude de ses manœuvres. Chaque soir, sa troupe ne s’arrêtait qu’après avoir fait dix ou douze lieues dans la journée par des chemins montueux et difficiles, et quelquefois après avoir passé vingt-quatre heures sans manger. Tout à coup il tourna au nord, descendit rapidement les petites vallées humides et fertiles qui s’étendent des montagnes à la mer, et le 5 juillet, neuf jours après son départ, il entrait à Oviedo, capitale du royaume des Asturies. Cette ville était défendue par le brave Pardiñas, à la tête du régiment provincial de Pontevedra ; l’apparition de Gomez fut si prompte, que la garnison étonnée ne put que se retirer précipitamment, abandonnant ses effets, ses armes et ses munitions. Gomez en fit son profit, pour donner à sa troupe ce qui lui manquait et pour organiser un bataillon des Asturies, fort de trois cent vingt volontaires ; mais il ne put faire davantage, car il ne trouvait que peu de sympathie dans l’esprit général du pays. On s’était trompé au quartier royal sur les dispositions de la province.

La population asturienne est bien loin d’être de nos jours ce qu’elle était aux temps de don Pélage et de la formation des premières monarchies chrétiennes contre les Maures. Des souvenirs belliqueux de leur histoire, les Asturiens n’ont conservé qu’un privilége dont ils sont très fiers, celui d’être tous nobles de naissance. Leurs mœurs sont industrieuses et paisibles. La plupart d’entre eux émigrent de bonne heure et se répandent dans toute l’Espagne, où ils forment, malgré leur noblesse, les deux tiers des domestiques. Ils n’ont rien de l’esprit inquiet et hardi de leurs voisins les Biscayens, et leur respect pour les grands propriétaires de leur pays, qui sont presque tous constitutionnels, les a toujours maintenus dans l’obéissance de la reine Isabelle. Ils n’opposèrent aucune résistance à l’invasion de Gomez, mais ils ne répondirent que faiblement à l’appel qui leur fut fait par ce général au nom de don Carlos. Depuis, la même tentative a été répétée plusieurs fois auprès d’eux, et elle a toujours échoué.

Cependant Espartero arrivait : il fallut partir. Les carlistes ne passèrent que deux jours à Oviedo. Ils en sortirent dans la matinée du 8 juillet ; Espartero y entra le même jour. La tentative de s’établir dans les Asturies n’ayant pas réussi, Gomez se jeta dans la Galice, et marcha presque en ligne droite sur Sant-Iago, capitale de cette province ; il y arriva en dix jours de marche, après avoir passé le Rio-Miño sous les yeux du général Latre, enfermé dans Lugo. La vieille