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pays, y compris le chargé d’affaires, seraient égorgés. Le blocus, bien que maintenu, laissa passer les navires qui, chaque semaine allaient à Gibraltar et en revenaient. Le chargé d’affaires anglais M. Douglas, outragé par le sultan[1] répondit à l’insulte par de la colère, et fut jeté en prison. Le commandant de l’escadre réclama ce fonctionnaire, et obtint sa liberté sous la condition expresse que M. Douglas ne quitterait pas le Maroc sans l’autorisation du sultan Enfin le sultan déclara « qu’il ne s’était jamais cru en guerre avec ses bons alliés, qu’il était malheureux pour eux d’être représentés par un fou, qu’il consentait volontiers à leur rendre cet infortuné, espérant qu’on allait faire un meilleur choix, et que la bonne harmonie ne serait plus désormais troublée. » L’Angleterre accepta une explication aussi satisfaisante, et le blocus disparut par enchantement.

Lorsque des symptômes de mésintelligence se manifestèrent entre la France et le sultan de Maroc, l’Angleterre joua un nouveau rôle. Le gouverneur de Gibraltar, qui venait de fournir des armes à Abd-el-Kader, en fournit à Muley-Abderraman, mit des ingénieurs à la disposition du pacha de Tanger pour réparer les fortifications de cette place, promit d’arrêter à sa source toute tentative hostile de la France, et tint le pacha de Tanger au courant de toutes les nouvelles qui l’intéressaient. Le brick de guerre en station à Gibraltar est encore en mouvement pour le service de cette précieuse correspondance.

Les premières négociations régulières de la France avec le Maroc datent du règne de Muley-Ismaïl. Sous son successeur, Sidi-Mohammed, les négociations de la France et du Maroc obtinrent, mais difficilement, quelques résultats. Les préliminaires furent réglés, en 1766 par l’entremise d’un négociant français établi à Saffi, M. J.-J. Salva ; le comte de Breugnon se rendit ensuite sur les lieux pour conclure ; Les ratifications ne furent échangées que deux ou trois ans plus tard. M. de Mornay, en renouvelant ce traité, il y a quelques années, semble y avoir introduit des clauses nouvelles et plus favorables ; mais des articles supplémentaires et exceptionnels détruisent malheureusement l’effet des clauses fondamentales. En effet, il n’a pu garantir le commerce français des variations, des entraves et des vexations, qui, jointes à la concurrence, à l’incapacité ou à la déloyauté de certains agens ont fini par l’expulser du Maroc. Aujourd’hui, sur une côte de deux cents lieues, dont les productions conviennent à l’industrie française, et où les produits de cette industrie trouveraient de nombreux débouchés, on ne compte plus que deux établissemens français. Les négocians de Marseille, au lieu d’imiter

  1. En fait c’est le caïd de Tétouan, et non le sultan actuel, qui a commis envers M. Douglas l’insulte dont il est parlé. (Erratum de la page 900.)