Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/655

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
651
LE MAROC ET LA QUESTION D’ALGER.

boire, et couchent à la belle étoile, sur la terre. Animez ce corps de fer par l’enthousiasme et le fanatisme, vous aurez un admirable soldat, mais un soldat oriental, inhabile à la tactique, et qui attend son impulsion d’une influence religieuse et politique.

Quoique tous les corps de troupes soient mêlés d’infanterie, la force de l’armée marocaine réside dans la cavalerie. Elle se forme en escadrons de vingt-cinq à cinquante hommes : le premier, rangé sur une seule ligne, oblique au front de l’ennemi, s’élance au signal donné, d’abord au trot, puis au galop ; le cavalier se relève sur les étriers, décharge l’escopette, fait une volte, s’arrête, et l’escadron retourne au pas en rechargeant ses armes, pour se reformer sur les derrières, pendant que le second escadron, puis les suivans, exécutent la même manœuvre. La rapide succession de ces attaques tient le front de l’ennemi constamment occupé. Debout sur ses étriers, le Maure tire, en fuyant, à la façon des Scythes.

L’armée marocaine se divise ordinairement en plusieurs groupes distincts, subdivisés eux-mêmes en plusieurs corps. L’armée régulière, employée au service du gouvernement, accompagne partout le sultan, porte ses ordres dans les provinces, et perçoit l’impôt impérial. C’est la force centrale de l’empire. Elle reçoit une solde, et ne dépasse pas ordinairement trois à quatre mille hommes. Cette armée est complétée par un corps d’artilleurs renégats qui servent huit à dix pièces de campagne ; on les croit ou plus dévoués ou plus habiles : double préjugé qu’ils justifient rarement.

L’armée provinciale se trouve sous les ordres et au service des caïds ou pachas des provinces et des gouverneurs des villes. Une compagnie peu nombreuse reste en permanence auprès du caïd pour transmettre ses ordres, porter ses dépêches à la cour, et faire exécuter les arrêts du chef de la police (amotasseib) et du juge (cadi). Les soldats non employés dans ces deux armées restent dans leurs foyers, exerçant la profession ou cultivant le champ qui les fait subsister, ne prenant les armes que pour un temps donné, soit à la fois, soit à tour de rôle, et ne recevant la solde que pour l’époque de leur service. Enfin la milice urbaine sédentaire se compose du corps des artilleurs, du corps des marins et des soldats du guet, qui forment la garde nationale proprement dite ; on ne s’est encore servi de l’artillerie que pour la défense des villes. Quant à la marine, Rabat et Salé possèdent seules quelque apparence de vie et d’institutions maritimes. Municipalités long-temps indépendantes, régies par leurs lois et leurs magistrats, armant des corsaires, faisant la guerre et