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SIMONE.

Or, maintenant quelle est la plante
Qui sut tirer si promptement
De tant de délices l’amant,
De tant de désespoir l’amante ?
Boccace dit en peu de mots,
Dans sa simplesse accoutumée,
Que la cause de tant de maux
Fut une sauge envenimée
Par un crapaud ; mais, Dieu merci,
Nous en savons trop aujourd’hui
Pour croire aux erreurs de nos pères.
Ce serait un cent de vipères,
Qu’un enfant leur rirait au nez.
Quand les gens sont empoisonnés
Dans notre siècle de lumière,
On n’y croit pas si promptement.
N’en restât-il qu’un ossement,
Il faut qu’il sorte de la terre
Pour prouver par-devant notaire
Qu’il est mort de telle manière,
À telle heure, et non autrement.
Pauvre bon homme de Florence,
À qui selon toute apparence
Dans les faubourgs de la cité
Ce conte avait été conté ;
Qui l’aurait voulu croire en France ?
Braves gens qui riez déjà,
L’histoire n’en est pas moins vraie.
Cherchez la plante et trouvez-la.
Demain peut-être on la verra
Dans le sentier ou dans la haie ;
La faculté l’appellera
Pavot, ciguë, ou belladone ;
Ici-bas, tout peut se prouver ;
Le plus difficile à trouver
N’est pas la plante, c’est Simone.


Alfred de Musset.