Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/800

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
796
REVUE DES DEUX MONDES.

décente, l’aimable réserve, le bon cœur ; elle a arrangé ses espérances, non pas selon sa fortune passée, mais selon sa fortune présente ; elle a modéré, par son exemple et par sa profonde soumission à la Providence, les inquiétudes d’un père qui ne peut pas oublier qu’il a été le frère de l’Empereur, et que lui-même il a été long-temps un roi obéi et écouté. Aussi, de toute cette grande famille d’illustres exilés, c’est cette enfant qui a porté le plus légèrement ce grand nom de Bonaparte. Elle a jeté sur tout cet exil je ne sais quel parfum d’innocence de jeunesse qui eût sauvé les Bonaparte de bien des erreurs, s’ils avaient voulu comprendre tout ce qu’il y avait de providentiel dans la résignation ingénue de leur belle parente. Et quand enfin, dans cette même Florence qui est sa seconde patrie, la princesse eut rencontré le jeune homme qui la devait aimer, sa destinée fut accomplie, elle rendit graces au ciel, qui lui donnait ainsi une grande position dans le monde sans que ce fût là une position politique ; elle rendit grace au ciel, qui lui ouvrait les portes de la France, de cette France tant aimée, sans appeler à son aide les révolutions et les batailles ; ainsi, satisfaite des chances heureuses du présent, elle laisse aux hommes de sa famille les chances de l’avenir. — Toute la ville de Florence a battu des mains à cet heureux mariage. Les deux jeunes fiancés ont paru dans la même loge au théâtre, où des fleurs ont été présentées à la princesse ; et que de bonheur elle avait dans les yeux ! C’est là, au reste, une des plus aimables coutumes de l’Italie, ces fiançailles qui précèdent le mariage. Cet amour à ciel et à terre ouverts est un touchant spectacle. Une fois fiancés, les jeunes gens vont ensemble, bras dessus bras dessous, suivis d’assez loin par les grands parens ; ils peuvent se voir et s’entendre tout à l’aise. En France, au contraire, on vous montre d’abord les jeunes filles à marier tant qu’on peut vous les montrer ; puis, à peine avez-vous l’intention de leur parler de mariage, aussitôt la jeune fille disparaît jusqu’au grand jour du serment solennel. Jusque-là, tout le monde peut la voir, excepté celui qui prétend à sa main, si bien que le malheureux en question fait, à vrai dire, la plus piteuse des figures. Parlez-moi, au contraire, des fiancés en Italie ; ils arrangent leur vie à l’avance, ils disposent toutes choses pour leur bonheur à venir, ils apprennent à connaître leur caractère réciproque, ils ne cachent pas leur amour comme un crime, mais au contraire ils s’en glorifient comme de l’accomplissement d’un devoir. — J’ai eu l’honneur d’assister à ces fiançailles presque royales. À la maison de campagne du prince Jérôme Bonaparte, à Quarto, une aimable