Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 24.djvu/821

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
817
ŒUVRES COMPLÈTES DE PLATON.

le Banquet, la République, on ne se trompera plus sur le vrai sens de l’amour platonique. Qui ne voudrait connaître cet admirable ouvrage de la jeunesse de Platon, le Phèdre, dont Cicéron faisait ses amours ? Ceux même qui sont privés de lire Platon dans le texte pourront se consoler avec la traduction. C’est un grand écrivain qui en traduit un autre, et, sauf la différence des langues, on pourra se persuader, sans trop d’hyperbole, que c’est Platon lui-même qu’on entend.

M. Cousin a traité de la réminiscence dans l’introduction du Phédon ; et, je me trompe peut-être, mais il me semble qu’il l’a presque assimilée avec sa propre théorie de la raison impersonnelle. Si j’ose dire ce que je pense, c’est aller un peu trop loin, et faire trop d’honneur à la psychologie de Platon. C’est en ce point surtout qu’elle est remarquable, je le sais ; mais pour expliquer la présence en nous des axiomes et des vérités éternelles, aller jusqu’à supposer une vie antérieure à la vie d’ici-bas, n’est-ce pas sortir des conditions de la science, et donner un peu trop carrière l’imagination ? Toute la psychologie de Platon porte ce même caractère ; partout il a soupçonné la vérité, et partout la poésie a fait obstacle à la science. On ne pouvait pas s’attendre d’ailleurs à trouver dans ces premiers siècles une psychologie bien profonde. Si Platon était un grand psychologue, l’histoire des philosophies qui le suivirent ne pourrait plus se concevoir. Et pourtant, sous ses images poétiques, on sent une observation de la nature de l’homme, où la part de la vérité est plus grande que celle de l’erreur. Dans le Phèdre, il compare l’ame humaine à un attelage dirigé par un cocher, et composé de deux coursiers d’une nature bien différente, l’un plein de docilité, de beauté et de courage ; l’autre impétueux sans motif, impatient du frein, toujours prêt à se cabrer, toujours s’efforçant de quitter la route où le cocher le guide : Ce sont là les trois parties de l’ame suivant Platon ; le cocher, c’est l’esprit qui connaît les idées par la réminiscence, et qui voit s’ouvrir devant lui la route que la morale et la raison lui prescrivent de suivre ; le beau coursier, c’est la partie généreuse de l’ame, le courage, les passions nobles ; mais l’autre coursier représente « les passions violentes et fatales, d’abord le plaisir, le plus grand appât du mal, puis la douleur qui fait fuir le bien ; l’audace et la peur, conseillers imprudens ; la colère implacable, l’espérance que trompent aisément la sensation dépourvue de raison et l’amour qui ose tout. » Platon comparera plus tard dans la République ces trois mêmes parties de l’ame aux trois ordres qu’il distingue dans l’état, les ma-