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L’opinion du jury dont je parle, a été favorable au discours de M. Flourens. La violence et l’injustice des attaques qui ont accueilli son élection avaient provoqué dans tous les esprits modérés une sorte de réaction d’impartialité et de bienveillance. On avait eu le temps d’ailleurs d’apprendre par quel mérite incontestable de pensée et de style l’habile secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences justifie de son droit au fauteuil des Maupertuis, des la Condamine, des Vicq-d’Azir et des Fourier. On avait pu relire ses deux beaux éloges de George Cuvier et de Laurent de Jussieu, où la gravité, la précision, l’élévation du langage, sont au niveau de la magnificence des sujets. Dans l’éloge qu’il avait à faire de M. Michaud, auquel il succède, M. Flourens a montré de nouveau les heureuses qualités qui le distinguent, la précision et la propriété du style, la justesse des aperçus, la rectitude des jugemens. Il a exposé avec simplicité la carrière agitée de son prédécesseur, emprisonné onze fois et deux fois condamné à mort. Les amis de l’illustre historien, du pèlerin éloquent, du causeur spirituel, ont reconnu le portrait et rendu témoignage à la ressemblance. M. Flourens a raconté plusieurs traits de la vie de M. Michaud, empreints d’une bonhomie qui n’exclut pas la finesse et qui rappelle un peu La Fontaine. Une diction naturelle, sans ambition, sans clinquant, ont fait connaître M. Flourens à tout le monde pour ce qu’il est, un homme de sens et d’esprit, un écrivain habile et délicat. Aux yeux de quelques juges plus sévères, cette habileté, appliquée à un ordre de faits qui n’est pas celui de ses méditations les plus habituelles, tout en prouvant le mérite et la flexibilité de l’écrivain, a laissé pourtant désirer sur quelques points plus de nouveauté et de profondeur. Il est tout naturel, en effet, que M. Flourens se soit trouvé moins à l’aise dans l’appréciation de la vie politique et littéraire de M. Michaud que dans celle des travaux de Desfontaines ou de Chaptal, et qu’il ait touché certaines questions particulières, celle de l’ancienne chevalerie, par exemple, avec moins de supériorité que les questions de physique générale. Mais il a repris tous ses avantages, quand, dans un style précis et nerveux, il a établi la nécessité de soumettre l’histoire elle-même à la sévérité des méthodes scientifiques. J’ajouterai que, dans plusieurs parties de son discours, il a joint avec bonheur l’exemple à la théorie.

M. Mignet, chargé, comme directeur de l’Académie, de répondre à M. Flourens, a trouvé dans cette tâche l’occasion d’un succès égal à celui qu’ont obtenu ses éloges de Talleyrand et de Broussais. Outre les points déjà traités par le récipiendaire, et que le directeur est obligé