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On sait bien maintenant comment toute cette grande affaire, ou du moins comment toute cette affaire, qu’on avait cru grande, doit être comprise. Un trouble s’était élevé dans les relations du sultan et du pacha. Ce trouble mettait le suzerain en danger par le fait du vassal. Ce danger devenait le prétexte d’une intervention russe à Constantinople. Cette intervention, l’Angleterre et la France avaient intérêt à l’empêcher, l’une parce qu’elle a sur l’Orient des vues très respectables, l’autre parce que la presse lui a persuadé qu’elle doit contenir la Russie, la Russie étant malveillante pour la révolution de juillet. Donc, pour empêcher cette intervention, la France a usé de son influence sur le pacha qu’elle traitait en allié, parce que la presse le lui avait présenté comme un libéral ; l’Angleterre, d’accord avec la France, a travaillé à substituer dans Constantinople au protectorat exclusif un concert européen. Mais de plus, l’Angleterre qui a des intérêts et des desseins, qui songe à la mer Noire, à la mer de Marmara à l’Euphrate, à la mer Rouge, a jugé convenable, pour établir la paix entre le sultan et le pacha, de les séparer par un pays livré au désordre, à l’anarchie, au brigandage, en insurgeant la Syrie. Un traité a été conclu pour cet objet. La France, toujours conduite par la presse, a fait la faute de n’y pas adhérer, puis la faute plus grande de s’en fâcher, puis la faute plus grande encore de se préparer pour toutes les éventualités que l’exécution du traité pouvait amener. Arrêté à temps dans le cours de ces fautes désastreuses, il n’est donc resté à son gouvernement qu’une chose à faire, réparer le temps perdu, en souscrivant moralement au traité par des vœux et des efforts qui pussent en faciliter l’accomplissement. Il devait cela à sa meilleure et plus sûre alliée, l’Angleterre, comme à son allié lointain et incertain le pacha d’Égypte. Ce qu’il lui fallait, c’est que les évènemens marchassent vite, que la force triomphât aisément, que le pacha renonçât à une défense inutile et se rangeât au système de la paix ; car, pour lui comme pour tous en Égypte comme ailleurs, comme partout, comme toujours, la paix importe à la civilisation et à la morale, et promet à la France ses véritables conquêtes. Ainsi les vœux de la politique française étaient pour la prompte défaite et la prompte soumission du pacha. C’était sans détour et sans flatterie, dans ce sens que nous le devions conseiller. Nos conseils ont réussi. Les Russes ne sont pas venus à Constantinople ; premier triomphe pour la révolution de juillet. Les vues de l’Angleterre sur l’Orient ont eu satisfaction ; second succès pour nous, puisqu’elle est notre alliée. Méhémet garde l’Égypte, grace à la France, qui eût regretté de le voir s’exposer à la canonnade et qui l’en a préservé à temps. Enfin,