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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 décembre 1840.


Méhémet-Ali a fait sa soumission. Que vouliez-vous qu’il fît contre trois ou pour ne pas sortir de la prose, contre cinq ? Qu’il mourût ? Cet expédient n’est pas dans les mœurs des Orientaux. Ils se résignent à leur perte avec un calme stoïque, mais ils ne vont pas au-devant du coup qui les doit frapper, ils ne l’appellent pas, ils n’y ajoutent rien. Nos susceptibilités européennes ne les irritent pas ; c’est tout simple ; ceux qui n’attribuent à la liberté humaine qu’une faible part dans les choses de ce monde, n’aperçoivent pas de déshonneur dans les revers ; ils les acceptent comme nous nous soumettons à une opération chirurgicale. Qui voudrait se tuer ou se faire couper le bras droit, parce qu’un accident, un malheur le forcerait à livrer à la scie de l’opérateur le bras gauche ?

On se demande encore pourquoi la résistance des Égyptiens a été si faible en Syrie ! pourquoi Ibrahim a laissé fondre son armée sans rien tenter de considérable, sans une action d’éclat, sans rappeler en rien l’élan, la vigueur du conquérant de la Morée et du vainqueur de Nézib. Y a-t-il eu d’autres raisons de cette chute peu glorieuse que les difficultés réelles de sa position, privé qu’il était de tout secours, tandis que la Porte lançait contre lui les boulets et les soldats de l’Angleterre et de l’Autriche, et lui montrait en réserve les bataillons de la Russie ; lorsqu’on avait, en semant l’or et en envenimant les dissidences religieuses, séduit les populations de la Syrie, encouragé leur révolte, fourni les armes, tourné contre lui à la fois les forces physiques et les influences morales de l’Asie et de l’Europe, de l’Évangile et du Coran ? On a dit qu’Ibrahim n’occupait la Syrie qu’à contre-cœur, que depuis long-temps il était convaincu que cette conquête était impossible à défendre, qu’en mésintelligence avec son père, ce qu’il voulait avant tout était un prétexte pour abandonner la Syrie et rentrer en Égypte ; on a même ajouté que le vice-roi avait à craindre au Caire une révolte excitée par son fils aîné, qui ne voit pas