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d’élever, à Athènes une école, un temple et des jardins pour servir de siége, et en quelque sorte de chef-lieu à la philosophie péripatéticienne. C’est à l’imitation de ce musée que celui d’Alexandrie fut conçu. On sait que les gymnases athéniens, que l’on a coutume de considérer comme le siége des écoles philosophiques, l’académie, le lycée, le cynosarge, le portique, appartenaient à la république, et non pas aux philosophes qui venaient y donner leurs leçons. Platon n’exerçait aucune autorité dans le gymnase de l’académie ; il n’avait accès que dans les parties ouvertes au public, et il y réunissait ses disciples, grace à la tolérance des magistrats plutôt que par une permission expresse. Il en fut de même d’Aristote dans le lycée ; il pouvait se rendre, deux fois par jour, avec ses disciples, dans le péripatos de ce gymnase ; et cette permission ayant été retirée à son école après son départ pour Chalcis, Théophraste acheta de ses deniers un autre péripatos avec ses accessoires ; il y construisit un temple dédié aux muses, et donna le nom de musée à cette propriété de l’école péripatéticienne, qu’il transmit par testament, avec la direction de l’école, à celui qu’il se donna pour successeur. Le musée fondé à Alexandrie par Ptolémée-Soter ne fut pas, comme celui de Théophraste, exclusivement consacré à une seule école ; les poètes, les historiens, les philosophes, furent appelés à en faire partie ; le prince leur assigna pour demeure un de ses propres palais, et fournit royalement à leurs dépenses. Cette grande institution, qui ne compta jamais qu’un nombre de membres assez restreint, sut se maintenir assez haut dans l’opinion par la sévérité de ses choix, pour que l’honneur d’en faire partie devînt l’objet suprême de l’ambition des savans ; et comme les Ptolémées, au lieu de prendre sur le trésor royal les dépenses du musée, le dotèrent dès le principe d’un riche domaine, cette institution traversa les désastres de l’Égypte, survécut à la dynastie qui l’avait fondée, et se retrouve encore florissante plus de six siècles après son origine.

Quoique la flatterie des écrivains de l’époque attribue à Ptolémée-Philadelphe la fondation de la bibliothèque, il est certain qu’elle remonte à Ptolémée-Soter, et qu’elle devint sur-le-champ une collection considérable. Le nombre des rouleaux qu’elle contenait, suivant l’estimation la plus probable, s’élevait à cinq cent mille, ce qui, d’après les calculs de M. Matter, représente environ cent cinquante mille de nos volumes modernes. Un second dépôt fut fondé quelque temps après dans le Sérapéum ; et cette seconde bibliothèque devint la seule bibliothèque d’Alexandrie, lorsqu’après la bataille de Pharsale