Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
DÉBATS PARLEMENTAIRES.

rement répudié. L’alliance française ne vaudrait pas pour la Grande-Bretagne une simple contrariété ; elle ne résisterait pas, cette alliance, à un accès de mauvaise humeur, et le concours d’une armée de cinq cent mille hommes, d’une flotte formidable, et l’appui du nom de la France, ne compenseraient pas le très faible inconvénient de laisser quelques années à un septuagénaire le gouvernement des provinces occupées par ses armes ! Oh ! c’est pour le coup que le traité du 15 juillet serait la plus sanglante des dérisions, la plus amère des insultes ! c’est pour le coup que la France devrait trouver dans son honneur outragé la force de révéler ce qu’elle vaut au cabinet qui l’aurait aussi indignement oublié !

Mais non, qu’on se rassure : nous n’avons pas subi ce dernier outrage, nous n’avons pas été livrés à si bon marché dans la conférence de Londres, et lorsqu’on s’est séparé de nous, en arguant des torts de notre cabinet, on a compris qu’on faisait une chose grande, sérieuse, et, tranchons le mot, irrévocable. On a pu penser que la France s’isolerait d’abord et n’oserait rien dans son isolement : en cela, l’on a eu raison ; mais on n’a pas cru, on n’a pas pu croire qu’elle pardonnerait l’outrage de son alliance aussi cavalièrement livrée ; on n’a pas pu ignorer qu’une réaction formidable se préparerait bientôt contre notre union léonine avec l’Angleterre dans l’esprit même de ses plus aveugles partisans. On connaît à Londres et la vivacité de nos impressions et l’entraînement de nos pensées ; l’on y a certainement pressenti, avant de signer le traité, des paroles analogues à celles de M. Mauguin, on en a mesuré d’avance l’effet énorme sur la chambre, sur la nation et sur l’Europe. L’Angleterre ne nous méprise pas assez, croyons-le bien, pour n’avoir pas compris qu’en signant la convention du 15 juillet, elle déchirait de sa propre main le gage de notre union. Si elle s’est décidée à se passer de nous pour le règlement ultérieur de cette grande affaire d’Orient, si elle a gratuitement renoncé à la seule alliance qui rendît pour long-temps du moins inexécutables les plans de la Russie, c’est qu’elle s’est d’avance résignée à les subir, en s’assurant des avantages qui finiront peut-être un jour par lui faire devancer à elle-même le cours des évènemens.

Il n’y a, sans doute, rien d’écrit, à l’heure qu’il est, entre M. de Brunow et lord Palmerston, et si les Russes s’établissaient aujourd’hui à Constantinople, cet évènement aurait une telle influence sur l’opinion publique en Angleterre, qu’il suffirait, on peut le croire, pour rompre une alliance naissante, et briser le ministre qui a si hardiment ouvert une phase nouvelle à la politique de son pays. Des