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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 décembre 1840.


La chambre des députés, après ses longs et ardens débats sur le projet d’adresse, paraît frappée d’une sorte d’atonie. Les affaires la fatiguent sans l’intéresser ; une discussion paisible et approfondie l’effraie sans l’exciter ; aussi les députés sont-ils clairsemés sur les bancs de la chambre, et après un débat assez terne, le projet de loi sur le travail des enfans dans les manufactures a-t-il réuni avec peine le nombre de suffrages nécessaires pour le vote d’une loi. Il en faut 230 ; il y en avait 235. Parmi les votans, combien y en a-t-il qui aient prêté à la discussion une attention constante, suivie, propre à leur faire apprécier la loi dans son ensemble et dans ses détails ?

Quant à la loi elle-même, ce qu’on peut dire de plus favorable, c’est qu’au point où en étaient les choses, il fallait enfin adopter un projet quelconque et commencer l’expérience. En réalité, nul ne connaît suffisamment la matière, les faits qui s’y rattachent, les résultats qu’on peut produire par telle ou telle mesure. On généralise des faits particuliers sans savoir si la généralisation est physiquement possible ; on méconnaît, d’un autre côté, certains faits généraux, et on se jette arbitrairement dans un particulier auquel répugne le principe fondamental de notre droit ; on agit sous l’inspiration d’une philantropie (ne la confondons pas avec l’humanité et la justice) plus inquiète et ambitieuse de faire qu’éclairée, et l’on ne recule pas devant l’imitation servile de l’étranger, comme s’il y avait entre les pays dont on invoque l’autorité et la France analogie sous le rapport des principes fondamentaux du droit public, de l’organisation administrative, des conditions économiques, physiques et commerciales ! Tout cela est vrai, tout cela saute aux yeux. Qu’importe ? Puisqu’on veut décidément faire des essais à coups de loi et statuer législativement avant que l’observation et l’expérience aient fourni des faits