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Villon. Le Roman de la Rose est une longue allégorie, galante dans sa première partie, satirique et encyclopédique dans la seconde. Villon, c’est un poète populaire, ou plutôt un poète peuple, plein de gaîté et d’amertume, de grossièreté et de mélancolie. Marot est le continuateur du Roman de la Rose et de Villon, avec plus de finesse, de grace et d’esprit que le Roman de la Rose, avec plus d’urbanité, mais peut-être moins de verve que Villon. Boileau n’avait pas lu Villon, et l’a bien prouvé par ces deux vers :

.......Villon, l’un des premiers,
Débrouilla l’art confus de nos vieux romanciers.

Villon n’a pas plus de rapport avec les vieux romanciers français que Béranger avec Walter Scott. Mais Boileau connaissait Marot et l’a parfaitement caractérisé :

Imitez de Marot l’élégant badinage.

La création, la gloire de Marot, c’est en effet le badinage élégant.

La renaissance de l’antiquité et de l’art s’est accomplie en Italie au XVe siècle ; elle a passé en France au XVIe ; sous ce rapport, nous retardons de cent ans sur l’Italie ; la renaissance est donc un élément à la fois antérieur et étranger à la France du XVIe siècle, mais qui s’y continue et s’y naturalise. La renaissance a produit dans notre pays de grands érudits comme Budée, les Estienne, le latiniste Muret. Enfin, c’est à ce mouvement qui poussait les esprits vers l’antiquité, qu’il faut rapporter les traductions des auteurs anciens, essayées déjà bien des fois en France, comme le montre le catalogue de la bibliothèque de Charles V, mais qui jusqu’au XVIe siècle n’avaient guère eu pour objet que des auteurs latins, et s’étendirent alors aux écrivains de la Grèce. La plus célèbre de ces traductions est la traduction de Plutarque, par Amyot, qui a prêté à l’original une réputation mensongère de naïveté, mais qui certainement a eu pour résultat de populariser l’antiquité, et de la rendre familière à un grand nombre de lecteurs. Amyot, trop vanté sous le rapport du style, car il écrivait au siècle de Montaigne et de Rabelais, mérite cependant de compter dans l’histoire des développemens successifs de notre langue.

Le résultat le plus important et le plus littéraire de l’action de l’antiquité sur les esprits au XVIe siècle, c’est la célèbre tentative poétique de Ronsard et de ses amis ; tentative dont tout le monde a lu l’histoire dans l’ingénieux et ardent récit de M. Sainte-Beuve. Cette tentative, qui a fondé chez nous l’école romantique, n’était