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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/268

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REVUE DES DEUX MONDES.

bien des irrévérences contre le corps ou contre les membres immortels, et ils en ont été ; et chose plaisante ! quand on est une fois de l’Académie, on fait comme tout académicien ; avec plus ou moins de bonne grace, on remercie de même, on est flatté de même, on est plus ou moins conquis. Nous verrons bien pour M. Hugo.

À ceux qui, jeunes, débutent par l’attaquer, par la dédaigner, l’Académie, qui n’est pas une personne jeune, mais d’âge moyen, et qui ne meurt pas, peut répondre : J’attendrai. Cette fièvre d’audace et de propre bonheur, cette ébullition, ce rien qu’on appelle la jeunesse se passe, et l’attaquant, s’il a quelque valeur et s’il cherche dans la société toute la place à laquelle il peut prétendre, commence un jour à lorgner de loin l’Académie. S’il est vrai, comme l’a dit d’Alembert encore, que l’écrivain isolé soit une espèce de célibataire, il vient un âge où les plus intrépides célibataires commencent à ne pas trouver absurde de se marier. Pour un mariage avec l’Académie, il n’est jamais trop tard. Et l’Académie vous voit venir, et elle sourit, et elle triomphe ; et dans sa malice (car elle en a, jamais de colère), elle vous fait dire plus d’une fois : Repassez.

L’Académie, en un mot, répond parfaitement à un certain changement d’âge dans les esprits littéraires. À vingt ans, quand on est novateur et révolutionnaire, on donne en plein dans le Chamfort. À quarante, pour peu qu’on s’écoute sincèrement, on commence à pencher au d’Alembert.

Quel est, quel peut être le rôle de l’Académie dans notre temps ? Comment peut-elle se donner toute l’importance qui lui est permise et que plusieurs lui contestent ? Est-elle surtout un ornement littéraire, et doit-elle se borner, en général, à n’être que cela ? Graves questions toujours agitées, et assez inutilement par ceux qui sont hors de l’Académie. Dès qu’on y entre, on salue, on s’asseoit et l’on n’en parle plus. Mais il est un point que j’oserai croire plus essentiel qu’aucun, et pour lequel il n’y a aucune innovation à demander ; j’en parlerai donc ; il ne s’agit pas du Dictionnaire. C’est que dans ce temps de mœurs littéraires si mauvaises et si gâtées, en ce temps de grossièreté où la littérature, ce qu’on ose appeler ainsi, trop souvent imite la rue et n’en a pas la police, il importe que l’Académie reste un lieu où la politesse, l’esprit de société, les rapports convenables et faciles, une transaction aimable ou du moins suffisante, la civilisation enfin en littérature, continuent et ne cessent jamais de régner. Il importe que l’Académie redevienne ou reste autant que possible une compagnie.