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sa garde-du-corps, s’étant procuré les clés de la maison, pénétrèrent dans la chambre située immédiatement au-dessous de celle du-roi, y introduisirent plusieurs sacs de poudre, disposèrent une mèche ou lunt qui devait brûler lentement et communiquer avec la matière inflammable, puis se retirèrent. Marie embrassa son mari, partit pour se rendre au bal, lui se dirigea vers sa chambre à coucher. Il était triste, et les protestations de sa femme l’avaient rassuré sans dissiper sa mélancolie. À ses habitudes de débauche avait succédé une dévotion timide ; il répétait en se couchant le cinquante-cinquième psaume qu’il chantait d’une voix dolente. Son page Taylor s’endort auprès de lui sur un coussin ; un bruit de clés éveille le malheureux Henri. Il jette sa pelisse sur ses épaules nues et descend l’escalier. Les assassins le rencontrent, l’étranglent et étranglent son page qui le suit. On transporte leurs cadavres dans un verger, sous la muraille extérieure, et on les y laisse. Cependant Bothwell quitte le bal à minuit, se défait de son brillant costume, et vient rejoindre les assassins. À son arrivée, on met le feu à la mèche, qui se dévore lentement, et qui, déterminant enfin l’explosion, éveille d’un coup de tonnerre la cité endormie. Les ruines de la maison couvraient le sol, quand Bothwell, rentrant chez lui, se coucha, feignit un sommeil tranquille, et à la voix du domestique qui lui annonçait la catastrophe, se précipita hors de son lit, criant : « Trahison[1] ! » Tels sont les véritables détails de cette nuit tragique, détails attestés par les dépositions de Powrie, Dalgleish, Hay de Tallo et Hepburn, par les lettres manuscrites de Drury à Cecil[2], et par le récit manuscrit de Moret, ambassadeur de Savoie[3].

La reine s’enferma dans sa chambre à cette terrible nouvelle ; mais, au lieu de poursuivre activement les coupables que le cri public, les placards affichés sur les murs de la ville et la voix populaire dénonçaient hautement, elle prit de si longs délais et sembla si peu disposée à châtier le crime, que sa complicité ou sa connivence acquirent une notoriété générale. Bothwell, triomphant de son assassinat, parcourait les rues armé de pied en cap, à cheval, suivi de cinquante hommes armés, la main sur son poignard, et disant aux bourgeois : « Que j’apprenne le nom d’un de ces poseurs d’affiches, ma main sera bientôt lavée dans son sang[4]. Un des placards portait ces

  1. Archives d’Angleterre. Drury à Cecil, 18 avril 1567.
  2. 12 février 1567.
  3. Collection du prince Labanoff, manuscrit tiré des archives des Médicis.
  4. Drury à Cecil, 29 février 1567.