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autorité à la langue primitive de ces provinces. Pour la relever de l’espèce d’asservissement où l’avait jetée dans le cours d’un siècle la domination bourguignonne, il eût fallu lui prêter un appui énergique et soutenu. Charles-Quint, successeur de Maximilien, n’eut sans doute jamais l’idée d’entreprendre une pareille tâche. Dans sa jeunesse, il ne savait lui-même pas l’allemand, et Philippe II, qui devint après lui souverain des Pays-Bas, s’inquiétait fort peu du langage usité dans cette partie lointaine de ses états, pourvu que ce langage fût soumis et orthodoxe. Cependant, sous son règne rigoureux, une ère nouvelle se prépare ; la réformation, qui depuis plusieurs années gagnait sourdement et peu à peu l’esprit du peuple, éclate tout à coup, et les mesures de violence employées pour en comprimer les progrès ne font que lui donner plus de force. En 1579, les cinq provinces de Seelande, Utrecht, Gueldre, Frise et Hollande se déclarent, par le traité d’Utrecht[1], indépendantes de l’Espagne ; en 1580, la province d’Overyssel, et en 1594 celle de Groningue, s’associent au même traité. De cette époque date tout à la fois l’affranchissement religieux, politique et littéraire de la partie septentrionale des Pays-Bas ; de cette époque date aussi la formation de la république, à laquelle la province la plus étendue, la plus riche, la province de Hollande, donna son nom. Quant aux provinces méridionales, on sait qu’elles restèrent sous la domination de l’Espagne, et l’action continue du français enfanta dans quelques-uns de ces districts le dialecte bâtard qu’on appelle wallon.

Toute l’ancienne littérature de la Hollande se compose d’imitations ou de traductions. Tous les anciens romans de chevalerie se retrouvent là, en vers ou en prose : les romans du cycle d’Arthur et du cycle de Charlemagne, les épopées naïves où les héros antiques figurent sous un vêtement de baronnet, les contes facétieux de France et les mélancoliques légendes d’Allemagne, tout a été consciencieusement reproduit en hollandais. Et à voir ce pays mettre ainsi en tête de sa littérature le catalogue de tous ces poèmes et romans populaires du moyen-âge, on pourrait le croire très romantique. Tant s’en faut, hélas ! et je le dis à regret, la Hollande n’est nullement romantique.

  1. L’original de ce traité, qui occupe une place si importante dans l’histoire des Pays-Bas, se trouve maintenant dans les archives de La Haye. C’est un long et large parchemin, où il y a seulement une clause de quelques lignes ; tout le reste est couvert de signatures. Le savant M. de Jonge est parvenu à déchiffrer toutes ces signatures, et en a publié un fac-simile très curieux.