Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
446
REVUE DES DEUX MONDES.

sonne, assurément, et surtout nul protestant ne sera tenté de nous croire. Que l’on nous permette, au moins, de voir, de prévoir et d’annoncer.

Ce résultat ne nous étonne pas. La critique ayant poussé son travail, et sur les autres et sur elle-même, jusqu’aux dernières limites de l’analyse, que lui restait-il à faire, si ce n’est de s’abdiquer et de mourir ? — « Je vais vous dire ce qui me tue, écrivait le poète Shelley à sa femme ; il me semble que je puis détailler la moindre pointe d’herbe et le plus petit brin de gazon avec une finesse microscopique. » C’est la maladie de l’analyse, c’est l’infini de la subdivision, c’est la recherche des molécules dernières. Les chartistes ont réclamé la communauté de biens, au nom de l’analyse et de la subdivision exacte. Les ennemis de l’épiscopat ont demandé au même titre la destruction de la hiérarchie. Alors l’anglicanisme, prenant l’alarme, et voyant d’avance la chute de son institution et de ses droits, a sonné le tocsin contre les résultats définitifs du protestantisme. Un docteur Pusey a créé, dans Oxford, un centre de semi-catholicisme, dont tous les argumens et toutes les tendances sont identiques aux idées et aux formules romaines. Un récent ouvrage de M. Gladstone, membre du parlement (The State in relation with the Church), soutient la nécessité d’augmenter les garanties de la religion nationale, et de l’armer d’un pouvoir à peu près semblable au pouvoir de la papauté.

Récemment on parlait, dans le Quarterly Review, de renouveler les formules de l’excommunication papale contre les chartistes. Récemment encore, la Revue d’Édimbourg, adversaire du Quarterly, avouait franchement que le protestantisme s’affaiblissait, que le catholicisme acquérait du pouvoir, et que cette marche, ascendante d’une part, descendante de l’autre, n’avait pas cessé depuis un siècle. Déjà les institutions universitaires d’Oxford cessent d’inspirer une vénération superstitieuse. On ose porter la main sur ce système colossal et bizarre qui date du moyen-âge, qui en porte l’empreinte profonde, et qui ne ressemble pas mal, par ses anomalies et la complication de ses ressorts, au code de lois qui régit l’Angleterre. On discute ouvertement la question d’une réforme à introduire dans les rapports des professeurs et des élèves. Les tories eux-mêmes prennent part à la discussion ; au lieu d’opposer une résistance aveugle, ils essaient d’éviter, par l’adresse et la bonne grace, les atteintes qui pourraient être les plus fatales à l’établissement, base ancienne de leur existence et point de ralliement de leur parti. Ce sont des indices dont il faut tenir compte, et ce ne sont pas les seuls.