Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/456

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
452
REVUE DES DEUX MONDES.

porteur sans esprit. L’auteur nous apprend que M. Dale, le révérend Thomas Dale, touche 562 livres sterling par an ; que M. Harding improvise ses discours ; que le docteur Croly lève le bras perpendiculairement et l’agite transversalement ; que M. Melvil aime les allusions politiques ; que M. Judkins fait vendre ses poésies à la porte de sa chapelle. Tout cela, exprimé dans un style qui ne vaut pas mieux que le fonds de l’ouvrage, est peut-être d’une exactitude que nous devons admirer ; mais ce qui étonne davantage, c’est la stérilité, la maigreur et l’insignifiance des compositions que font imprimer ces prédicateurs passés en revue par M. Grant.

Il n’y a pas de pays où l’on prêche plus qu’en Angleterre. Un million de sermons par année, tombant régulièrement de toutes les chaires, trouvent des auditeurs toujours, quelquefois des imprimeurs, des lecteurs jamais. La fadeur, la subtilité, la nullité, le lieu commun de ceux de ces discours que nous nous sommes imposé la tâche de parcourir, justifient bien l’indifférence du public. Point d’émotion, nulle simplicité, nul enthousiasme, aucun style. Ainsi s’annonce la décadence de l’anglicanisme dans son propre domaine. Les devoirs, les dogmes, les douleurs, les calamités, les consolations de l’humanité ne tiennent point de place dans ces sermons. Ils traitent « d’esthétique, de causes finales, de volition et d’impénétrabilité, de nécessité morale et de puissance déterminante ; grace au balancement des périodes et à leur lenteur, ces investigations de la chaire sont du sommeil tout préparé. Le temps n’est plus où cette chaire servait de citadelle aux ennuis de la papauté alliée à Louis XIV. C’était un tambour, comme le dit Hudibras[1], au moyen duquel on appelait aux armes les bourgeois émus et furieux. Maintenant, personne ne craint plus les catholiques ; on laisse en paix Louis XIV et les dissidens les plus déterminés renoncent à l’invective. Un examen philosophique a remplacé l’examen théologique, et plusieurs membres de l’église établie publient des opinions que Gibbon ou Hume auraient avouées. M. Milman, dans sa récente Histoire du Christianisme (the History of Christianity, from the birth of Christ to the abolition of paganism… etc. By the rev. H. H. Milman, prebendary of Saint-Peter), s’éloigne complètement des voies de l’église anglicane, à laquelle il appartient comme prébendaire de l’église de Saint-Pierre. Il ne rejette pas tout-à-fait la révélation et l’Évangile ; il n’adopte pas les doctrines de Strauss et de Kuinoël ; mais il laisse deviner son pen-

  1. Drum ecclesiastick.