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DOCUMENS INÉDITS SUR MARIE STUART.

rieuses découvertes accomplies par les investigateurs que j’ai cités, c’est une lettre italienne datée du 21 mai 1558, et dans laquelle l’envoyé du grand-duc Cosme de Médicis, Petrucci, raconte à son maître, et dans le plus grand détail, la manière dont la reine d’Écosse est parvenue à s’échapper de Lochleven[1]. Si l’on rapproche de la charmante narration que Walter Scott a brodée sur ce canevas[2] la trame antique des faits véritables, dans leur simplicité et leur nudité, on admirera l’instinct divinateur du poète et cette pénétration puissante, qui lui ont tout appris sur les caractères qu’il mettait en jeu. Souvent Walter Scott s’est trompé, volontairement ou à son insu, quant aux dates, aux incidens, aux costumes et détails archéologiques ; les ames et les esprits dont il ressuscitait les passions, ne lui ont jamais échappé. C’est le clarificateur de l’histoire, comme l’a dit Hazlitt avec un barbarisme expressif, the clarifyer of history. L’enthousiaste Douglas, le calviniste Dryfesdale, la coquette, impérieuse, imprudente et charmante Marie, la vieille lady Douglas, sont des portraits dignes de Holbein, dont la vérité semble plus digne d’éloge, à mesure que l’on approfondit les documens de l’histoire.

La mère du régent Murray, femme dure et violente, était chargée de garder la captive. Elle avait un petit-fils de dix-huit ans, George Douglas, que les malheurs et la beauté de Marie touchèrent et enflammèrent. Il résolut de tromper sa mère et de sauver Marie. Son premier plan ne réussit pas. Il lui fit revêtir un habit de paysanne semblable en tout au costume porté par la blanchisseuse du château. Déjà la reine mettait le pied dans la barque qui allait l’emporter, lorsque la blancheur et la forme de ses mains la trahirent. Le batelier donne l’alarme ; elle est ramenée dans sa prison. La grand’mère de Douglas le chasse de la forteresse ; mais le jeune homme y avait laissé un confident et un camarade, page de sa grand’mère, plus jeune que lui, et qu’il aimait tant, qu’on appelait ce dernier le petit Douglas. George parti, le « petit Douglas » se charge de l’entreprise et la mène à bonne fin. La châtelaine était à table, et son page la servait. Il s’approche de la table, laisse tomber comme par mégarde une serviette sur la clé du château déposée auprès de la douairière, et continue son service. Quelques minutes s’écoulent, la clé est oubliée ; le

  1. « Modo che la regina di Scotia ha usato per liberarsi dalla prigione. » Collection du prince Labanoff. (Extrait des archives médicéennes.)
  2. The Abbot.