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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/504

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REVUE DES DEUX MONDES.

crussent pas retrouver à chaque pas d’authentiques vestiges de l’architecture mauresque.

« Je n’ai point vu dans Palma, dit M. Laurens, de maisons dont la date parût fort ancienne. Les plus intéressantes par leur architecture et leur antiquité appartenaient toutes au commencement du XVIe siècle ; mais l’art gracieux et brillant de cette époque ne s’y montre pas sous la même forme qu’en France. Ces maisons n’ont, au-dessus du rez-de-chaussée, qu’un étage et un grenier très bas[1]. L’entrée, dans la rue, consiste en une porte à plein cintre, sans aucun ornement ; mais la dimension et le grand nombre de pierres disposées en longs rayons lui donnent une grande physionomie. Le jour pénètre dans les grandes salles du premier étage à travers de hautes fenêtres divisées par des colonnes excessivement effilées, qui leur donnent une apparence entièrement arabe. Ce caractère est si prononcé, qu’il m’a fallu examiner plus de vingt maisons construites d’une manière identique, et les étudier dans toutes les parties de leur construction, pour arriver à la certitude que ces fenêtres n’avaient pas été enlevées à quelques murs de ces palais mauresques, vraiment féeriques, dont l’Alhambra de Grenade nous reste comme échantillon. Je n’ai rencontré qu’à Majorque des colonnes qui, avec une hauteur de six pieds, n’ont qu’un diamètre de trois pouces. La finesse des marbres dont elles sont faites, le goût du chapiteau qui les surmonte, tout cela m’avait fait supposer une origine arabe. Quoi qu’il en soit, l’aspect de ces fenêtres est aussi joli qu’original. Le grenier qui constitue l’étage supérieur est une galerie, ou plutôt une suite de fenêtres rapprochées et copiées exactement sur celles qui forment le couronnement de la Lonja. Enfin, un toit fort avancé, soutenu par des poutres artistement ciselées, préserve cet étage de la pluie ou du soleil, et produit des effets piquans de lumière par les longues ombres qu’il projette sur la maison et par l’opposition de la masse brune de la charpente avec les tons brillans du ciel. L’escalier, travaillé avec un grand goût, est placé dans une cour, au centre de la maison, et séparé de l’entrée sur la rue par un vestibule où l’on remarque des pilastres dont le chapiteau est orné de feuillages sculptés, ou de quelque blason supporté par des anges. Pendant plus d’un siècle encore après la renaissance, les Majorquins ont mis un grand luxe dans la construction de leurs habitations

  1. Ce ne sont pas précisément des greniers, mais bien des étendoirs, appelés dans le pays porches.