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Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 25.djvu/553

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ESQUISSE D’UNE PHILOSOPHIE.

et le modèle de toute forme et de toute essence, c’est là un dogme emprunté au christianisme sans doute, mais nouveau par les applications, nouveau surtout par la démonstration qu’on en donne, et qui transforme un mystère en vérité philosophique. M. Lamennais explique le monde par la Trinité, et discuter la Trinité, c’est discuter sa philosophie tout entière.

Que Dieu soit une puissance, puisque tout et lui-même existe par lui ; qu’il soit une intelligence, puisqu’il est la première, et, en un certain sens très véritable, la seule puissance ; qu’il s’aime d’un amour sans bornes, puisqu’il se connaît et qu’il est la perfection même, ce sont là des doctrines que nous nous empresserons d’admettre, et qui n’avaient rien de nouveau, même en philosophie, lorsque Campanella écrivait en tête de la Foi Naturelle :

Io credo in Dio, possanza senno, amore.

Que la puissance, l’intelligence et l’amour soient en Dieu des propriétés plus accomplies, chacune selon son espèce, que les mêmes propriétés dans l’homme ; que son amour soit parfait comme amour, et son intelligence comme intelligence, et sa puissance comme puissance, qui pourrait le nier ou le contester sans folie, puisque lui-même est parfait comme Dieu puissant, intelligent et aimant ? Mais que cette plus grande perfection entraîne une distinction plus réelle, et qu’il résulte, de ce que l’amour de Dieu est plus parfait, plus complet, plus réel que le nôtre, que cet amour ne soit pas seulement une propriété de Dieu, un de ses attributs inséparables et éternels, mais une hypostase distincte, ou, comme dit M. Lamennais, une personne, c’est ce qui ne peut être admis sans démonstration plus satisfaisante. S’il est nécessaire que Dieu soit puissance, intelligence, amour, la puissance, l’intelligence et l’amour que Dieu est, ne peuvent être unis entre eux et à sa substance par un lien plus intime, plus fort, plus indissoluble que parce ce lien nécessaire. La plénitude de ces propriétés rend chacune d’elles infiniment supérieure aux propriétés analogues en nous, et Dieu, qui les possède, infiniment supérieur à nous ; elle ne rend pas plus complète la distinction des idées entre elles, distinction qui est déjà en nous aussi complète que possible. Vouloir que la séparation des attributs augmente avec leur plénitude, c’est diminuer d’autant l’unité de la substance. Je puis concevoir les attributs comme trois êtres séparés ; je puis les concevoir comme les trois caractères indissolublement unis d’un seul être ; chercher un