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REVUE LITTÉRAIRE.

les examine, annoncent chez leurs auteurs une grande force de pensée : le traité de M. Buchez, qui se déclare sincèrement catholique, celui de M. de Lamennais, qui croit l’être encore, et, à un rang inférieur, celui de M. Pierre Leroux, qui se pose en révélateur. La philosophie orthodoxe, ou, pour lui conserver son nom scholastique, la théologie, paraît enfin devoir rentrer dans les voies larges et lumineuses qu’elle avait trop long-temps négligées. Il y a peu d’années encore, le zèle mal entendu des ames pieuses inondait les villes et surtout les campagnes de ces petits livres qui ne servent qu’à développer un bigotisme étroit et tracassier, ou un mysticisme ridicule quand il n’est pas dangereux. Aujourd’hui, les publications des librairies religieuses semblent annoncer la reprise des grands travaux qui ont honoré le clergé français pendant la fin du dix-septième siècle et la première moitié du siècle suivant. La rareté des écrits originaux en ce genre s’explique par la réserve commandée à un corps qui ne doit pas manier étourdiment l’arme de la publicité. En fait d’écrits intelligens, émanés du clergé, nous ne saurions donc citer que les Institutions liturgiques de dom Guéranger, qui a entrepris de relever à Solesme une congrégation de bénédictins ; la Vie de saint Dominique, hommage rendu par l’abbé Lacordaire au patron de l’ordre qu’il prétend restaurer ; enfin, l’ouvrage de l’abbé Maret, qui a essayé de combattre les tendances philosophiques de l’époque dans un Essai sur le panthéisme dans les sociétés modernes. L’œuvre à laquelle se complaisent présentement les défenseurs du catholicisme est la restauration des grands monumens du passé, derrière lesquels ils se retranchent solidement, dans la prévision d’une lutte prochaine. Ainsi, l’année 1840 a conduit jusqu’au 130e volume la Collection choisie des Pères de l’Église[1]. Malgré cette collection générale, d’autres éditeurs n’ont pas reculé devant la réimpression séparée des œuvres complètes de saint Augustin, de saint Bernard, de la Somme théologique de saint Thomas etc. Nous signalerons encore l’achèvement de la collection des œuvres de saint Jean Chrysostôme, en grec et en latin, travail immense dans lequel M. Fix s’est montré savant helléniste et critique habile, en rectifiant et en complétant l’ancien texte des bénédictins. Le grand commentaire sur la Bible du jésuite Corneille de Lapierre, qui, dans l’ancienne édition, formait une douzaine de volumes in-folio, a été également remis sous presse. On a conduit à terme, et avec grand succès, dit-on, un cours d’érudition biblique et un cours complet de théologie[2], qui reproduisent et coordonnent les traités les plus estimés sur les divers points de la science sacrée ; collections parallèles dont l’ensemble ne fournit pas moins de cinquante volumes, de très grand format, à deux colonnes et en caractères compacts. Ces entreprises, qui paraissent colossales quand on les compare aux minces publications dont on fait tant de bruit dans la librairie exclusivement littéraire, s’achèvent sans échos dans la presse pério-,

  1. Editeur, Parent-Desbarres, rue de Bussi, 12.
  2. Theologiæ Cursus completus, 25 vol.Scripturæ sacræ Cursus completus, 25 vol. très grand in-8o.