le terrible insecte. J’ai vu des blocs de bois d’un pied de circonférence qui ressemblaient à des éponges, tant ils étaient criblés de trous de toutes parts. Un cri d’épouvante s’éleva dans la ville, quand tout à coup on découvrit quel effroyable passe-temps le vermisseau des Indes avait choisi, et comme il pullulait, et comme il s’en allait transpercer chaque poutre et chaque pilier. L’air, l’eau, le climat d’Amsterdam, firent enfin périr cette race funeste, les bons bourgeois se remirent de leur frayeur, et les banquiers comptèrent en sécurité leurs capitaux.
Quelques années après, la capitale du commerce hollandais s’aperçut qu’elle était exposée à un autre péril presque aussi redoutable que le premier. L’Y charriait sans cesse dans son port des masses de sable. Le Zuyderzée, qui rejoint Amsterdam à la mer du Nord devenait de plus en plus difficile à traverser. Ses bancs de sable semblaient chaque année s’agrandir ; en certains endroits, on ne pouvait les franchir qu’à l’aide d’énormes et dispendieuses machines appelées chameaux. Après avoir long-temps délibéré sur les moyens de remédier à un état de choses qui devenait de plus en plus alarmant, on s’est mis à l’œuvre, et quand les Hollandais se mettent à l’œuvre, soyez sûr qu’ils achèveront leur entreprise. On a d’abord préservé les bassins de l’encombrement des sables par une grande digue qui défend en même temps la ville contre les inondations de l’Y ; puis on a creusé un canal qui va jusqu’à la mer du Nord. Ce canal, qui s’étend sur un espace d’environ vingt-cinq lieues, a trente-six pieds de largeur et vingt-deux pieds de profondeur. Il n’y en a pas un aussi large dans toute l’Europe, pas un dans le monde entier qui ait des écluses si fortes et qui soit creusé si bas. À certains endroits, à Buiksloot, par exemple, la surface de l’eau qu’il renferme est à dix pieds au-dessous du niveau de la mer. Maintenant les navires de commerce, et même les bâtimens de guerre qui vont dans la mer du Nord ou qui en viennent, ne passent plus par le Zuyderzée. Quinze ou dix-huit chevaux les remorquent le long du canal ; l’armateur paie 1 fr. 60 c. par cheval et par lieue, plus les droits d’écluse, et l’on calcule que le trajet d’un navire de la mer du Nord dans le bassin d’Amsterdam revient à 1,000 ou 1,200 fr. Mais le trajet peut se faire avec le bon ou le mauvais vent, et en dix-huit heures tandis qu’autrefois un bâtiment devait attendre pour partir un vent favorable, et pouvait être encore retenu deux ou trois semaines sur le Zuyderzée. Qu’on dise ensuite que le peuple hollandais n’est pas poétique. J’avoue qu’il ne rêve pas comme les Allemands, qu’il ne chante pas comme les Ita-