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RÉVOLUTIONNAIRES ANGLAIS.

Cromwell. Comme il réunissait en lui l’audace militaire et l’audace civile, et qu’il partageait les idées des hommes politiques et les passions des hommes religieux, tout le pouvoir devait finir par se concentrer un jour en lui seul.

La cour traquée cherchait partout des appuis. Il était évident que, si les choses continuaient, étant pauvre, obérée, en butte à un parlement riche, obstiné, que le peuple adoptait, il ne lui serait pas possible de soutenir le combat. Elle avait pour chef militaire le roi lui-même, pour directeur ecclésiastique Laud, homme inflexible ; il lui manquait un chef civil. Elle fit des propositions à un membre de l’opposition, aussi remarquable par son talent que par ses alliances, ses amitiés, son caractère et son orgueil, le célèbre Wentworth, qui devint comte de Strafford. Il n’avait jamais manqué d’ambition ; mais, jusqu’à cette époque, cette ambition était restée engagée dans les voies populaires. Aux premières propositions que lui fit la cour, il changea de parti, et l’on ne doit point s’en étonner. Le dépit l’avait mêlé aux révolutionnaires ; sa nature même l’appelait ailleurs ; c’était un homme fait pour le pouvoir. Sévère, aimant la force, mais aussi la justice, attaché à la loi comme à la royauté, depuis la fin du règne de Jacques Ier, il était mis dans l’opposition par haine du désordre et de la faiblesse qui régnaient dans les conseils du prince ; quand il vit Charles régner et la balance pencher du côté de la démocratie, il fut saisi de frayeur et s’arrêta. La cour, heureuse de ce mouvement, lui offre ses faveurs. Il se livre à elle, et met aussitôt la main à l’œuvre de reconstitution monarchique qui lui coûtera la vie. Résolu à briser avec ses anciens collègues de l’opposition, il demande à Pym un rendez-vous et un entretien secret ; les deux amis se rencontrent à Greenwich.

Ce fut une dramatique entrevue. La liaison de Pym et de Wentworth avait été intime. Ces deux caractères, l’un voué aux plaisirs et aux trames politiques, l’autre aux études et aux affaires ; l’un populaire et facile, mais rusé et inexorable, l’autre altier et ambitieux, mais ayant surtout l’ambition des grandes choses, formaient par leurs dissonances mêmes une de ces harmonies qui constituent ou préparent les véritables amitiés. Ajoutons que Pym et Wentworth furent tous deux admirateurs de la comtesse de Carlisle ; tous deux, à des époques différentes, réussirent auprès d’elle. Leur rivalité d’amour se mêla-t-elle à leur animosité politique ? Nul ne peut le dire.

À peine Wentworth eut-il commencé ses explications, que son ancien ami l’interrompit. « — Vous n’avez pas besoin de tant de