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LA HOLLANDE.

privé de leur pouvoir, il a pourtant conservé leur esprit d’indépendance et leur fierté. Les hommes sont généralement grands et forts. Les femmes ont la taille élancée, les cheveux blonds et abondans, les yeux d’un bleu limpide. Dans toute la Hollande, elles sont renommées pour leur beauté. Elles portent une courte mantille qui dessine élégamment leur taille ; un léger bonnet couvre le sommet de leur tête, retombe sur leur col, et deux larges lames d’or leur ceignent les tempes. Les plus riches y ajoutent un diadème en perles ou en diamans. Il y a de simples paysannes qui le dimanche portent ainsi à l’église une parure de 1,800 ou 2,000 fr. Les plus pauvres tiennent beaucoup à porter aussi cette parure. On m’a raconté que des servantes faisaient pendant plusieurs années des économies sur leurs gages dans le but d’acheter d’abord un bandeau en argent, puis de l’échanger plus tard contre un bandeau en or. À voir toute cette belle race de la Frise, ces hommes avec leur mâle figure et leurs formes robustes, ces femmes avec leur démarche à la fois noble et gracieuse, et leur diadème au front, on comprend qu’il y ait en eux un profond sentiment d’orgueil national, et on lit avec plus d’intérêt la légende qui raconte leur origine.

Environ trois cents ans avant Jésus-Christ, il y avait, dit cette légende, dans l’Inde, sur les rives du Gange, un royaume florissant, dont la richesse, la prospérité, étaient célébrées au loin, et qu’on appelait le royaume de Fresia. Il était gouverné par Adel, descendant de Sem, fils de Noé. Un homme nommé Agrammos, d’une extraction obscure, mais ambitieux et hardi, excita parmi le peuple une révolte contre son souverain légitime, le tua et s’empara de son trône. Adel avait trois fils, Friso, Saxo et Bruno, qui furent bannis du royaume et se retirèrent en Grèce. Les uns disent que, dépouillés de leur héritage, ils s’en allèrent philosophiquement chercher celui de la science, et qu’on les vit suivre avec assiduité les leçons de Platon. D’autres rapportent qu’ils se rendirent auprès d’Alexandre, et l’accompagnèrent dans ses expéditions. Friso gagna par sa bravoure la faveur du jeune conquérant, et s’en alla avec lui guerroyer dans l’Inde. Après la mort d’Alexandre, les trois frères firent la paix avec l’usurpateur du trône de leur père, et rentrèrent dans leur patrie ; mais ils s’aperçurent bientôt qu’ils avaient perdu la faveur dont ils avaient joui autrefois, et que le peuple ne pouvait leur pardonner d’avoir porté les armes contre la race indienne. Ils résolurent alors d’émigrer de nouveau. Ils avaient entendu parler d’une certaine contrée du Nord qu’on appelait la Germanie. Ce fut de ce côté qu’ils se