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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

Charlemagne, le puissant empereur, qui, dans sa vieillesse, étudiait encore et fondait des écoles, jusqu’à ces jours de riante et poétique mémoire, où le landgrave de Thuringe rassemblait dans son château de la Wartbourg une pléiade de poètes, où la princesse Sophie, sa belle et noble épouse, protégeait Henri d’Ofterdingen, où le roi Wenceslas de Bohême, le margrave de Brandebourg, le duc Jean de Brabant, le duc fleuri de Breslau, le comte d’Anhalt, s’en allaient de contrées en contrées, portant l’armure de chevalier, sur les grandes routes, et soupirant leurs douces chansons dans les châteaux. Dès ce temps romantique et lointain, quelle longue succession de princes aimant les sciences et la poésie, de ministres dévoués à l’étude des lettres, jusqu’à Frédéric-le-Grand, non moins fier peut-être d’écrire des vers français corrigés par Voltaire que de gagner des batailles, et jusqu’à M. Ancillon, qui, avant de jouir de la faveur des rois, s’applaudissait d’avoir conquis celle des libraires.

De nos jours enfin, l’Allemagne enregistre à tout instant les plus beaux noms de son aristocratie parmi ses prosateurs et ses poètes. L’histoire de sa plus grande, de sa plus glorieuse époque littéraire, est intimement liée à celle du château de Weimar, et l’on ne peut étudier les œuvres, retracer la vie de Herder, de Wieland, de Goethe, de Schiller, sans faire entrer aux plus brillans endroits de cette étude le nom de la noble princesse Amélie, qui, pendant plus de vingt ans, fit de son palais le séjour heureux des premières célébrités de l’Allemagne. Dans ses jours de jeunesse et de libéralisme, le roi de Bavière, si vivement préoccupé aujourd’hui du soin de maintenir ses prérogatives de souverain, publie deux volumes de vers très faibles, il est vrai, de poésie et de style, mais qui prouvent du moins quelque amour de la poésie. Un prince de Mecklembourg-Strelitz, sous le pseudonyme de Weishaupt, compose une comédie qui a été jouée avec succès. Le roi actuel de Saxe, à la suite d’un voyage dans les montagnes, publie la Flora marienbergensis. Son frère traduit en vers harmonieux et fidèles la Divine Comédie, et dans cette même cour de Saxe, illustrée depuis des siècles par des traditions d’esprit et de courage, d’élégance et de loyauté, une princesse laisse tomber de sa plume facile quelques-unes des plus jolies comédies qui aient paru depuis long-temps en Allemagne.

Ces comédies ont pour titre : Mensonge et Vérité, la Fiancée de la résidence, l’Oncle, la Fiancée du Prince, l’Élève, l’Économe. Elles parurent successivement à Leipsig et à Dresde sous un titre fort modeste et sans nom d’auteur. Mais le public, frappé de tout ce qu’il y trouvait d’esprit et de grace, voulut savoir à qui il les devait, et nous ne commettons pas d’indiscrétion en disant qu’elles sont de la princesse Amélie.

Pour pouvoir apprécier ce que vaut en Allemagne une pièce de théâtre non imitée, non traduite et marquée d’une certaine originalité, il faut penser à l’état actuel du théâtre dans ce pays naguère illustré par tant d’œuvres impérissables. C’est là surtout que la décadence est sensible, et que les vains efforts, les essais impuissans, accusent une funeste stérilité. C’est là que les