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d’Éloïm, l’ange gardien. Marie-Madeleine verse de nouveau la myrrhe et le nard sur les pieds de son bien-aimé, qu’elle essuie ave sa longue chevelure d’or. Lucifer reprend sa place parmi les archanges, le poème se termine par un hosannah général, où le cygne du ciel, Éloïm, Sémida, la vierge Marie, les enfans nouveau-nés exécutent chacun leur partie, et l’épopée se clôt par ces mots écrits en lettres de soleils : — Salut éternel !

Voici, autant qu’il est possible de réduire en quelques pages deux gros volumes in-8o, l’analyse exacte du poème de M. Soumet : le choix du sujet ne nous paraît pas heureux, et l’épigraphe placée au frontispice du livre,

La lyre peut chanter tout ce que l’ame rêve,

n’est pas une excuse suffisante pour de si grandes audaces ; le rachat de l’enfer est une idée inadmissible dans la donnée chrétienne ; c’est une hérésie condamnable, un schisme complet ; le sacrifice déjà offert suffit et ne doit pas être renouvelé ; et d’ailleurs nous sommes de l’avis de Nicolas Boileau :

De la foi du chrétien les mystères terribles
D’ornemens égayés ne sont pas susceptibles.

Si l’on emploie la religion comme machine poétique, il faut en respecter les dogmes et suivre exactement les traditions ; M. Alexandre Soumet, s’il traitait un sujet mythologique, ne ferait pas Neptune dieu du jour, et ne donnerait pas Saturne pour fils à Jupiter : tout ce christianisme d’interprétation nouvelle nous déplaît singulièrement ; la foi et la poésie y sont également compromises. À considérer la question sous le pur rapport de l’art, aucun écrivain ne peut espérer d’embellir la poésie du christianisme, et comme nous l’avons dit, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de reproduire les types perfectionnés par la piété et le génie de tant de siècles, dont l’effort constant a été de formuler l’idéal rêvé de tous. M. Soumet, condamnable comme orthodoxie, n’a pas tiré de son sujet, une fois accepté, des conséquences logiques : Idaméel ne se repent pas un seul instant, ce qui ne l’empêche pas d’être sauvé par l’intervention supérieure de Dieu le père ; les trois personnes de la Trinité sont parfaitement égales en puissance et en gloire : le fils a autant de pouvoir que le père. Cette mystique génération n’a rien de commun avec la génération terrestre : le Père et le Fils sont co-éternels ainsi que