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POLITIQUE EXTÉRIEURE.

plus vite au fond du vase. Elle ne se retournera qu’avec plus de promptitude et d’énergie vers les seules doctrines qui puissent lui convenir, les doctrines de monarchie tempérée dont elle n’a pas voulu. Tout palliatif ne pourrait avoir d’autre résultat que d’atténuer ou de détruire le salutaire effet de l’expérience qu’elle fait aujourd’hui.

Le triomphe définitif d’Espartero serait immoral. Il viendrait à l’appui de ces idées perverses sur la légitimité du succès qui sont depuis quelque temps en faveur dans le monde. Ce n’est pas tout que de réussir ; il faut encore réussir par des moyens honnêtes. La conduite du comte-duc envers la reine Christine est impardonnable. Il ne peut pas être permis de se jouer ainsi des mots les plus sacrés. Quand on a trahi successivement tous les partis, on doit être successivement abandonné par tous. La France surtout serait trop généreuse d’oublier les torts qu’Espartero a eus avec elle. Ce ne sont pas quelques cajoleries plus ou moins sincères de M. Olozaga qui peuvent nous faire passer sur les propos insolens de Barcelone et sur les cris de mort encouragés dans cette ville contre les Français. La France a des amis en Espagne, des amis véritables, les modérés, qui sont maintenant en dehors de ce qui se passe ; elle se doit à eux, et sa seule politique est de leur être fidèle dans la mauvaise fortune comme dans la bonne.

Encore si Espartero avait eu quelque raison spécieuse pour se montrer si hostile à notre pays, nous dirions qu’il devait être Espagnol avant tout, et nous serions loin de lui faire un reproche de s’être montré bon patriote ; Mais l’intérêt évident de la France est que l’Espagne soit grande, forte et bien gouvernée, pour que les deux pays puissent se servir au besoin de point d’appui contre le nord de l’Europe ; la France n’a rendu que des services au gouvernement d’Isabelle et à Espartero tout le premier, qu’elle a successivement débarrassé de don Carlos et de Cabrera ; la France enfin n’a pas de traité de commerce à imposer à l’Espagne, de contrebande en grand à y entretenir, et l’anarchie de la Péninsule ne peut que lui être dangereuse et non profitable. Il ne peut donc y avoir dans le cœur de tout bon Espagnol que de l’affection pour la France, et c’est ce que nous n’avons pas trouvé dans Espartero. Qu’il recherche encore les sympathies des Anglais, ces éternels ennemis de la prospérité de son pays, puisqu’il les a préférées aux nôtres, mais qu’il ne compte jamais sur nous qu’il a méconnus et insultés.

Nous concevrions d’ailleurs qu’on pût hésiter un moment sur la