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REVUE. — CHRONIQUE.

de consentir à une définition de l’attentat, ne l’a-t-il dit que pour gagner quelques suffrages ? N’était-ce là qu’un expédient ?

Nous le disons aussi et dans l’intérêt même du ministère : il y a quelque chose à faire. Tout ministère qui se traîne dans une vieille ornière s’affaisse et ne gouverne pas. Ce n’est que par l’initiative qu’on gouverne ; ce n’est pas à la rame, c’est au gouvernail qu’il faut se placer pour diriger le vaisseau de l’état. Il est plus d’une question qui frappe, pour ainsi dire, à la porte du cabinet. Que le gouvernement s’en saisisse, qu’il sépare d’une main prompte et ferme ce qui est légitime, praticable, de tout ce que les passions et l’ignorance ont pu y ajouter d’excessif et d’absurde ; c’est là son rôle, sa mission, la condition de sa force et de sa durée Nous vivons sous un gouvernement de transaction et d’action. De tous les gouvernemens, le nôtre est celui qui peut le moins vivre de négations ; dès qu’il cesse de se faire sentir, l’opinion inquiète se demande : Où est-il donc ? Dès qu’il s’endort, on le tient pour mort.

Le dissentiment entre l’Angleterre et les États-Unis paraît vouloir s’apaiser. La nouvelle administration américaine est installée, et ses dispositions pacifiques sont connues. Il paraît probable que les Américains, reconnaissant enfin que le fait de la Caroline est un fait international, de gouvernement à gouvernement, laisseront tomber la poursuite contre M. Mac-Leod. La question est de savoir quelles sont les forces réelles du parti de Harrison, du parti qui vient de prendre les rênes des affaires. Là est le nœud de la question. Si ce parti peut réellement gouverner le pays, nul doute que les nuages ne se dissipent, car ni le parti modéré en Amérique, ni l’Angleterre n’ont la moindre envie de guerroyer. Mais la démocratie américaine est vive, indisciplinée, turbulente ; le pouvoir est faible, sans autres armes que la légalité, la raison, et le concours volontaire des hommes sensés et paisibles. C’est quelque chose ; mais ce n’est pas là une garantie parfaite.

La diète suisse a nommé une commission pour examiner la question des couvens argoviens. On dit que la commission a choisi pour rapporteur M. Baumgartner, député du canton de Saint-Gall, homme d’esprit et fort versé dans les affaires de la Suisse. On ajoute que la commission, en proposant de reconnaître en principe que la suppression des couvens est en opposition avec l’art. 12 du pacte fédéral, indiquerait en même temps quelques voies d’arrangement et de conciliation. Nous ne connaissons pas les faits de manière à pouvoir les apprécier avec justesse. Il est un bruit d’une nature plus grave. On dit que les populations manifestent des vœux de séparation, fondés sur la diversité des religions. Un fait de cette nature n’intéresserait pas seulement le canton d’Argovie ; il est d’autres cantons mixtes en Suisse. Si jamais pareille nécessité venait à se réaliser, la constitution fédérale de la Suisse s’en trouverait fortement ébranlée. C’est bien alors qu’une reconstitution fédérale serait forcée, et nul ne peut dire quel pourrait être un remaniement de cette nature.