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ciers avaient réussi à se faire reconnaître comme les représentans de la reine d’Angleterre et à traiter comme tels avec un des grands dignitaires de l’empire. L’empereur avait désavoué les mesures prises par le commissaire Linn, qui avaient amené la rupture entre les deux nations. Annonçant les intentions les plus bienveillantes pour l’avenir, et rejetant sur ses délégués à Canton la responsabilité du passé, il avait consenti à adopter pour bases d’un traité définitif les conditions présentées par M. Elliot, c’est-à-dire la reconnaissance formelle du gouvernement anglais par le gouvernement chinois, le paiement à l’Angleterre d’une indemité considérable, l’autorisation d’importer l’opium moyennant un droit qu’on fixerait plus tard, et la cession d’une île à l’entrée de la rivière de Canton, faite par la Chine à l’Angleterre, qui restituerait l’île de Chusan. Le traité définitif devait se discuter, non à Péking, mais à Canton, où l’empereur avait envoyé à cet effet un mandarin d’un rang très élevé, Ké-sben, vice-roi de la province de Pé-tchi-li, et le troisième personnage de l’empire. Quant à l’expédition de l’amiral Elliot dans le golfe de Pé-tchi-li et aux négociations entamées avec la Chine, bien que la presse anglaise et la presse française s’en soient beaucoup occupées, nous croyons devoir en donner un récit complet, en nous servant tant de la relation publiée sous le nom de lord Jocelyn que de nos renseignemens particuliers, venus de l’Inde, et des journaux de Calcutta. Ce récit servira peut-être à rectifier à certains égards les versions diverses qu’on a déjà pu lire.

L’escadre, composée d’un vaisseau de 74, le Wellesley, de la frégate la Blonde, de 46, des corvettes la Modeste, de 18, le Volage, de 28, le Pylade, de 20, le Madagascar, steamer armé, le David-Malcolm et l’Ernaad, transports armés[1], fit voile de Chusan le 28 juillet, et entra dans la baie de Pé-tchi-li le 8 août. Le Wellesley, portant le pavillon de l’amiral Elliot avait à bord le lord Jocelyn, secrétaire militaire, MM. Astell et Clarke, employés civils de la compagnie, le lieutenant Cotton, du génie, appartenant à l’armée de Madras, et M. Morrison, interprète pour la langue chinoise. Le 9 août, on se rapprocha de l’embouchure du Pey-ho. La Modeste, le Volage et le Pylade furent envoyés en reconnaissance ; le reste de la flotte mouilla le 10, par 38° 35′ 20″ lat. N. et 118° 0′ 10″ long. E. de Greenwich, à la distance d’environ onze milles de la terre, qu’on pouvait apercevoir de la pomme du grand mât du Wellesley. Le même jour, l’interprète prépara une lettre adressée au principal mandarin du district le plus voisin, annonçant le but de l’arrivée

  1. Lord Jocelyn porte à dix le nombre des transports armés.